Les besoins en infrastructures et le manque de services publics dans nos pays sous-développés, dus au manque des ressources financières, contraignent de plus en plus les gouvernements africains à trouver de nouveaux mécanismes et modes de financement. Le partenariat public privé (Public Private Partnership) est l’un de ces mécanismes de financement qui est adulé et promu par la Banque Mondiale (BM) et le Fond Monétaire International (FMI).
Depuis 2015, le « mariage », c’est-à-dire le partenariat entre le secteur public et le secteur privé, est inscrit comme objectif pour le développement durable dans l’Agenda 2030. Selon les défenseurs de cette union, une telle association permet un partage adéquat du risque, favorise l’innovation, réduit les coûts et délais de construction, permet un entretien des infrastructures tout au long de leur cycle de vie.
A l’instar des pays africains, la République de Guinée ne manque pas d’occasion pour déclarer son amour et son attachement au partenariat public privé, dans l’optique de relancer son économie qui a connu plusieurs secousses ces dernières années. L’attachement de la Guinée aux PPP est d’ailleurs conforté par la position des Institutions de Breton Wood qui promeuvent et encouragent les Etats sous-développés à utiliser ce mode de financement pour les projets (routes, mine, électricité, éducation, chemins de fer, etc.).
Pour rappel, déjà en Juin 1998, la Guinée s’est dotée de la Loi L/98/012/ du 1er juin 1998, dite loi BOT (BuildOperate Transfert), autorisant les investissements privés dans les infrastructures. Cette loi permet le financement, la construction, l’exploitation, l’entretien et le transfert des infrastructures de production développées par les opérateurs privés. Elle a été abrogée par la Loi n°2017‐32 du 4 juillet 2017 portant sur les PPP.
La Loi n°2017‐32 du 4 juillet 2017, à l’état actuel est incomplète pour être appliquée dans sa globalité. Plusieurs de ses articles renvoient aux textes d’application. Le seuil minimum de risque supporté par le cocontractant privé, le seuil des coûts de réalisation des projets, les attributions, l’organisation et le fonctionnement du Comité des PPP, les modalités d’exécution et d’approbation ainsi que le contenu des études de faisabilité, les modalités de passation des contrats de PPP, les clauses obligatoires d’un contrat de PPP doivent être précisées dans les textes d’application. Malheureusement, presque trois ans après, aucun texte d’application n’est pris.
Il faut le rappeler que les textes d’application d’une loi ont pour objet de définir les modalités précises et pratiques de la mise en application de cette loi. Ces textes doivent être pris dans un délai raisonnable. En principe, ces textes sont élaborés au même moment que le projet de la loi. Sous d’autres cieux, notamment en France, les textes d’application doivent être pris dans un délai maximal de six mois et la responsabilité de l’Etat peut être engagée du fait de la non-intervention des décrets d’application dans un délai raisonnable (CE, Ass, 27 novembre 1964, Vve Renard).
La volonté affichée des Dirigeants guinéens de doter le pays des infrastructures de qualité et de fournir des services publics aux citoyens ne fait pas défaut. Mieux, le Gouvernement guinéen manifeste tous les jours sa croyance aux vertus et aux fruits des PPP. Mais la question qui reste posée est de savoir pourquoi depuis juillet 2017, on n’arrive pas à adopter les textes d’application d’une loi aussi importante ? Est-ce une négligence, amateurisme, incompétence ou oubli de la part des services techniques ?
En cette période de COVID-19 où le Gouvernement guinéen dit ne ménager aucun effort pour relancer son économie, il urge qu’il sonne le glas de la léthargie des services techniques. L’élaboration, l’adoption et la publication des textes d’application de la loi sur les PPP deviennent un impératif. Sans les textes d’application, la Loi n°2017‐32 du 4 juillet 2017, quoi qu’elle soit en vigueur, ne demeure qu’un vœu pieux et non un instrument pour relancer l’économie.
Pour finir, je voudrais appeler le parlement guinéen à ne pas considérer que son rôle est achevé une fois qu’il a voté une loi. Il doit veiller à la réelle application de la loi et peser sur les conditions d’application de toute loi votée.
Peter afadodan
Responsable Juridique de GUITER S.A
Doctorant en Droit International