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Le communiqué des autorités du Burkina Faso, du Mali et du Niger, en date du 28 janvier 2024, annonçant leur retrait sans délai de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est un véritable coup de massue sur les longs efforts de la construction de l’édifice communautaire qu’est la CEDEAO. Après un bref rappel du contexte de crise et du droit au retrait de la CEDEAO par le Burkina Faso, du Mali et du Niger, nous en relèverons les effets néfastes pour eux pour l’institution et enfin, nous ferons un plaidoyer pour des actions urgentes pour éviter l’implosion de la CEDEAO.
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Le contexte de retrait sous fond de crises
Suite à la rupture de l’ordre constitution, le Burkina Faso, le Mali et le Niger étaient suspendus et placés sous sanctions par la CEDEAO. Il faut noter également que l’institution avait fait l’objet de critiques pour n’avoir pas été ferme à l’endroit des pouvoirs civils qui modifiaient leur constitution pour se maintenir au pouvoir, notamment en Guinée et ailleurs. Cette attitude donne l’impression d’iniquité dans la mise en œuvre des prescriptions de l’institution en matière de rupture de la gouvernance démocratique. A travers un communiqué conjoint, dans un tel contexte, ce 28 janvier 2024, les autorités du Burkina Faso, du Mali et du Niger « prenant toutes leurs responsabilités devant l’histoire et répondant aux attentes, préoccupations et aspirations de leurs populations, décident en toute souveraineté du retrait sans délai du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest. » La réponse de la CEDEAO n’a pas tardé à inonder les médias à travers un communiqué : « Le Burkina Faso, le Mali et le Niger demeurent des membres importants de la communauté et Conférence reste déterminée à trouver une solution négociée à l’impasse politique. » Tout l’espoir repose dans ce libellé : la reconnaissance de l’existence d’une impasse politique et l’engagement de trouver une solution idoine pour résoudre la crise.
De l’économie du droit au retrait dans les organisations internationales comme la CEDEAO
L’accord de volonté est le principe sacro-saint qui gouverne les relations internationales entre Etats. Les Etats adhèrent librement à des traités qui instituent des organisations internationales et ont la liberté d’en sortir en respectant les conditions prescrites. En général, le retrait s’effectue par notification à l’institution et prend effet une année après la réception de la notification, période au cours de laquelle l’Etat est tenu de se conformer aux dispositions de l’organisation et d’accomplir ses obligations envers elle et ce, conformément au traité constitutif. Ainsi sur le point de vue du droit, le Mali, le Burkina Faso et le Niger entendent faire usage de l’article 91 du Traité constitutif de la CEDEAO du 28 mai 1975 pour manifester son intention de se retirer de la CEDEAO.
Les effets néfastes d’un retrait des pays sahéliens de la CEDEAO
Depuis la nuit des temps, les routes transsahariennes relient les côtes atlantiques et le Sahel pour les échanges commerciaux et la circulation des personnes préfigurant les actuelles routes communautaires de la CEDEAO. Cet espace ayant une continuité géographique forme un ensemble soudé dont la désintégration présente des effets néfastes tant du côté des pays sahéliens que des pays côtiers. En effet, la lutte contre le terrorisme, les changements climatiques et la prise en charge du phénomène migratoire dans l’ensemble de l’espace CEDEAO ne peuvent être efficaces sans le concours des pays sahéliens. Zones à forte concentration des attaques terroristes, espaces arides et zones de transit des routes migratoires, toutes solutions pérennes contre ces fléaux doivent se faire avec le concours de ces pays sahéliens. De l’autre côté, ces pays sahéliens ont des populations à fort taux d’immigration ; leurs habitants se comptent en masse dans d’autres pays comme les burkinabè en Côte d’Ivoire où ils bénéficient des avantages des règles communautaires de la CEDEAO de libre circulation et d’établissement. Les divers aspects sus évoqués ne sont que d’infime illustration des effets néfastes que peut provoquer une désintégration de l’espace communautaire qu’est la CEDEAO.
Plaidoyer pour la mise en œuvre d’actions salutaires pour maintenir la CEDEAO dans son intégrité
Aujourd’hui, il est plus qu’urgent et essentiel de prendre le bâton de pèlerin pour poser des jalons décisifs en direction des trois pays pour renouer un dialogue franc et direct et des engagements fermes pour une révision du Traité constitutif de la CEDEAO et de ses divers instruments communautaires pour tenir compte des réalités actuelles. A court termes, pour les trois pays ayant manifesté leur volonté de retrait, l’envoi d’une mission de haut niveau permettra d’aplanir les différends, proposer une assistance en termes de lutte contre le terrorisme et parvenir à une solution négociée pour le retour à l’ordre démocratique. A moyen et long terme, la CEDEAO elle-même doit connaître de refondes profondes. Sur cet aspect, une mission de réflexion peut être confiée à un groupe d’experts de haut niveau sous la direction d’une troika de chefs d’Etat et de gouvernement pour engager les réformes nécessaires. Il s’agira particulièrement de réfléchir sur les mécanismes de sanctions notamment leur incidence sur les populations civiles et leur effet sur le maintien des liens avec les Etats sous sanction. Des aspects géostratégiques et géopolitiques peuvent faire partir du menu de discussion.
Nous osons espérer que cette crise qui secoue la CEDEAO sera jugulée et que l’institution communautaire en tirera toutes les conséquences pour opérer une mue en faveur d’une véritable intégration économique et politique de la sous-région ouest-africaine.
Conakry, le 29 janvier 2024
–Juris Guineensis No 58
Me Thierno Souleymane BARRY, Ph.D
Docteur en droit, Université de Sherbrooke/Université Laval (Canada)
Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour