À la mi-juin, une série d’évènements internationaux importants, organisés sous l’égide du parti Russie unie, se tiendront à Vladivostok, dont certains seront associés à la présidence de la Russie au sein des Brics cette année. Tous ces évènements s’inscriront dans la tradition de la coopération sociopolitique visant à construire un ordre mondial multipolaire et juste par une véritable démocratisation des mécanismes de gouvernance mondiale existants.
— Ce travail conjoint est aujourd’hui particulièrement pertinent, voire vital. Sa logique est dictée par le cours même du développement de l’humanité. De plus en plus de pays expriment leur désir de vivre dans une communauté mondiale libérée de l’héritage du système colonial et fondée sur les principes d’inclusivité multilatérale, d’égalité souveraine, de coexistence pacifique et de respect mutuel entre des pays aux systèmes politiques et sociaux divers. Un pas important vers cet objectif devra être fait ces jours-ci.
Je voudrais m’arrêter sur certains thèmes importants qui, j’en suis sûr, seront activement débattus lors des prochaines discussions.
Néocolonialisme: anciennes menaces à une nouvelle époque
En février 2024, le Forum des partisans de la lutte contre les pratiques modernes du néocolonialisme « Pour la liberté des nations! » s’est tenu à Moscou, organisé par le parti Russie unie. Environ 200 représentants de plus de 50 pays du monde entier y ont participé. Le principal résultat du Forum a été la création du Mouvement mondial antinéocolonial « Pour la liberté des nations! », qui cherchera à éradiquer les pratiques modernes d’exploitation et d’hégémonisme.
La rencontre a clairement montré qu’il est temps de renforcer significativement la coopération de toutes les forces progressistes dans la lutte contre le néocolonialisme, qui empêche de nombreux pays d’adopter une voie de développement durable et équitable. C’est un problème ancien et complexe dont la résolution nécessite une approche particulière et, plus important encore, des efforts communs.
L’humanité est confrontée aux pratiques néocoloniales depuis une longue période historique. Le terme « néocolonialisme » s’est solidement ancré dans le langage courant au milieu du siècle dernier pour désigner la politique des anciennes métropoles visant à freiner le développement des jeunes nations, venant à peine d’obtenir leur indépendance formelle, et à compenser leurs propres pertes subies en raison de la décolonisation.
L’ingérence brutale dans les affaires des États indépendants avait lieu et, malheureusement, se poursuit sous différentes formes. Peu importe la fermeté des intentions de l’humanité à déraciner le néocolonialisme, le monde occidental y résistera désespérément.
Il agira dans un contexte de transition d’un néocolonialisme national isolé à un néocolonialisme global. C’est-à-dire un système de relations économiques et politiques inégales, imposé par les pays occidentaux au reste du monde, fondé sur leur puissance militaire, l’activité du capital occidental, des organisations financières internationales et des multinationales (Anatoli Gorelov, Du système colonial au néocolonialisme global. 2014, №2, p. 60). Les anciennes métropoles souhaitent ardemment continuer à parasiter les pays qui dépendent d’elles, assurant leur confort aux dépens de l’humiliation et de l’oppression des autres. Seulement cette fois-ci, avec des moyens et des méthodes plus sophistiqués. Cela n’a rien de nouveau. Consuetude est altera natura (l’habitude est une seconde nature), comme le dit le proverbe latin.
Je citerai quelques chiffres qui illustrent éloquemment la composante politique du néocolonialisme. Selon les experts (américains, malgré leur partialité), de 1946 à 2000, les États-Unis se sont ingérés plus de 80 fois dans les processus électoraux d’autres pays. Depuis 1945, ils ont tenté plus de 50 coups d’État et interventions militaires (Dov Levin, Partisan electoral interventions by the great powers: Introducing the PEIG Dataset. Conflict Management and Peace Science, 2019, Vol. 36(1), pp. 88-106; William Blum, Overthrowing other people’s governments: The Master List. URL: https://williamblum.org/essays/read/overthrowing-other-peoples-governments-the-master-list).
L’un des outils les plus importants pour mettre en œuvre une telle politique a été l’utilisation de sanctions unilatérales, contraires au droit international. Sur 174 cas de mesures restrictives appliquées au XXe siècle, 109 ont été initiés par les États-Unis, qui ont réussi à changer la politique des États visés dans 80 cas (Gary Hufbauer, Jeffrey Schott, Kimberly Elliott, Barbara Oegg, Economic Sanctions Reconsidered – Third edition. Peterson Institute for International Economics, 2009, p. 248). L’Amérique est devenue, au fond, une néométropole mondiale des sanctions. Washington utilise activement non seulement des sanctions primaires, mais aussi des sanctions secondaires, se référant au principe de juridiction extraterritoriale, cherchant ainsi à saper la politique étrangère et économique des pays tiers, violant ouvertement leur souveraineté.
Voici quelques exemples des conséquences de telles mesures restrictives illégales. Le préjudice total à l’économie cubaine causé par l’embargo imposé en 1960 s’élevait à 159,8 milliards de dollars américains en octobre 2023. Pendant la période des sanctions unilatérales contre l’Iran de 1984 à 2000, le coût annuel moyen des sanctions était de 80 millions de dollars américains (Sanctions related to Iran // The White House official press-release. Fact-sheet. 31.07.2012). Pendant la période des sanctions multilatérales de 2006 à 2012, ce montant était de 5,7 milliards de dollars par an (Olga Komchoukova, Sanctions contre l’Iran: objectifs et conséquences. Problèmes économiques et sociaux de la Russie. Facteurs sociaux de croissance économique, Moscou, Éd. Inion RAN, 2016, n° 2-11). En sept ans, après l’imposition des sanctions en 2015 contre le Venezuela, les pertes de PIB de ce pays d’Amérique latine ont atteint 642 milliards de dollars américains, comme l’a déclaré son président Nicolas Maduro en janvier 2024 dans son discours annuel à la nation (Maduro a qualifié les sanctions américaines de génocide économique, RIA Novosti, 15 janvier 2024).
En agissant de la sorte, les États-Unis ont ouvertement ignoré la décision de la Cour permanente de justice internationale de 1927, qui souligne l’importance de respecter la souveraineté d’un autre État dans le contexte de la juridiction et indique que « la première et principale limitation imposée par le droit international à l’État est que, en l’absence d’une norme permissive prévoyant le contraire, un État ne peut exercer ses pouvoirs sous aucune forme sur le territoire d’un autre État » (Permanent Court of International Justice. The Case of S.S. Lotus (France v. Turkey). Judgment. Publication of the Permanent Court of International Justice, p. 18-19). De même, l’Amérique agit en violation de la Déclaration de l’Assemblée générale des Nations unies de 1965 sur l’inadmissibilité de l’ingérence dans les affaires intérieures des États, la Déclaration de l’Assemblée générale des Nations unies de 1970 sur les principes de droit international concernant les relations amicales et la coopération entre les États, ainsi que la résolution 27/21 du Conseil des droits de l’homme des Nations unies du 26 septembre 2014 affirmant que les mesures coercitives unilatérales sont contraires au droit international, au droit international humanitaire et à la Charte des Nations unies. Les tentatives de Washington de justifier ses actions agressives et illégales par une interprétation extensive du principe de territorialité ne tiennent pas debout. (Dans l’examen de l’affaire du Nicaragua, la CIJ a montré qu’elle s’opposait à l’interprétation arbitraire de ce qui constitue une menace à la sécurité nationale. En interprétant le terme « intérêts fondamentaux de la sécurité », il a été établi que les affirmations des États-Unis selon lesquelles le Nicaragua tentait de renverser les gouvernements des pays voisins pendant deux ans étaient insuffisamment fondées pour se prévaloir de cette exception, car les États-Unis n’ont pas démontré « en quoi la politique du Nicaragua constituait effectivement une menace pour les intérêts fondamentaux de la sécurité »).
Dans ce contexte, le juge Jeffrey Meyer (juge du tribunal de district des États-Unis pour le district du Connecticut, ancien membre principal du Comité indépendant d’enquête sur le Programme Pétrole contre nourriture de l’ONU en Irak (2004-2005), professeur de droit à la Faculté de droit de l’Université de Quinnipiac et professeur invité de droit à la Yale Law School) a constaté la tendance des États-Unis à faire des « déclarations exagérées selon lesquelles les sanctions secondaires peuvent être justifiées par des principes de protection juridictionnelle ou par la doctrine des conséquences, même si ces mesures deviennent des contre-mesures contre […] un comportement qui se produit dans des pays éloignés et qui n’a aucune perspective réelle de menacer la sécurité ou de provoquer des conséquences substantielles pour les États-Unis » (Jefffrey Meyer, Second Thoughts on Secondary Sanctions // University of Pennsylvania Journal of International Law. Vol.30. Iss.3., p. 909).
Il s’agit en fait de tentatives de destruction de pays entiers, voire de quasi-génocide. Cependant, les organisateurs de ces actions n’ont jamais été tenus responsables.
Les pays occidentaux ont toujours été obsédés par l’idée d’obtenir un contrôle politique sur les autres pays du monde pour dominer sur la scène internationale. Dès la seconde moitié du XXe siècle, des économistes de plusieurs pays d’Amérique latine et d’Europe, notamment Raul Prebisch (Argentine), Theotonio dos Santos et Fernando Cardoso (Brésil), Andre Frank (Allemagne), Gunnar Myrdal (Suède), ont formulé la théorie de la dépendance du développement, qui prouve l’existence d’un lien direct entre le sous-développement du tiers monde et le développement du système capitaliste mondial. Dans leurs travaux, ils ont démontré de manière convaincante que l’exploitation des pays faiblement développés par les pays hautement développés constituait un obstacle majeur au progrès de l’humanité (Paul Baran, Théorie économique du développement social. Moscou, 1960, p. 53). Voici une illustration concrète: selon des estimations, l’Occident a extrait des ressources d’une valeur de plus de 62.000 milliards de dollars du Sud global entre 1960 et 2018 (Jason Hickel; Dylan Sullivan; Huzaifa Zoomkawala, Plunder in the Post-Colonial Era: Quantifying Drain from the Global South Through Unequal Exchange, 1960-2018. New Political Economy, 26(6), pp. 1030-1047).
Un autre exemple sur ce sujet avec une projection sur notre époque. La réalisation de la politique étrangère de Charles de Gaulle, fondée sur la doctrine de l’indépendance nationale et de la grandeur de la France (« Mon intention n’est pas de libérer la France de l’Union atlantique, dont le maintien me semble nécessaire comme mesure de précaution extrême, mais de la sortir de l’intégration réalisée par l’Otan sous commandement américain; établir des relations avec chaque État du bloc de l’Est, et en premier lieu avec la Russie, visant à réduire les tensions […], faire de même avec la Chine quand le moment sera venu; enfin, doter la France d’une arme nucléaire puissante, afin que personne ne puisse nous attaquer sans risquer une réponse écrasante ». Charles de Gaulle, Mémoires d’Espoir. Le Renouveau 1958-1962. Paris, 1970, p. 284), y compris le fameux retrait de Paris de l’organisation militaire de l’Otan en 1966, n’aurait pu être assurée sans l’accès à des ressources presque gratuites extraites des pays africains francophones.
Les Français ont réussi à atteindre leurs objectifs en imposant aux États de la Françafrique un système monétaire et financier entièrement dépendant de la néo-métropole, contrôlé par la Cinquième République grâce à l’émission du franc CFA, un élément du « néocolonialisme monétaire » de la part des autorités françaises, qui leur permettait de contrôler la politique économique des pays africains. Bien que la France soit passée à l’euro il y a plus de 20 ans, elle conserve toujours une position de leader dans la zone monétaire du franc (14 pays d’Afrique de l’Ouest continuent d’utiliser le franc CFA, strictement lié à la monnaie européenne unique). Comme le soulignent les chercheurs africains contemporains, l’utilisation de cette monnaie empêche leurs États d’utiliser leurs propres ressources monétaires et financières pour leur développement sans restrictions extérieures, et constitue un obstacle à l’expression de leur souveraineté économique et monétaire. C’est pourquoi la poursuite de l’asservissement monétaire néocolonial est vitale pour le néo-Napoléon actuel de l’Élysée, qui se proclame constamment partisan des idées de Charles de Gaulle (Pascal Boniface, La France: l’héritage de De Gaulle et Mitterrand, Valdaï, 15.03.2021). Sans cela, il ne pourrait pas réussir. Ainsi, Paris tentera de maintenir sa présence monétaire en Afrique aussi longtemps que possible.
Pour préserver sa présence géopolitique dans diverses régions du monde, l’Occident utilise activement les mécanismes du « néocolonialisme de la dette ». En 1987, l’un des théoriciens du panafricanisme, éminent homme d’État du Burkina Faso, Thomas Sankara, mettait déjà en garde contre ce danger: « La dette est une forme de néocolonialisme où les colonisateurs se sont transformés en « assistants techniques », […] c’est une conquête savamment planifiée de l’Afrique » (Discours de Thomas Sankara sur la dette, 29 juillet 1987. YouTube. URL: https://www.youtube.com/watch?v=WFaUaatu8T8). En effet, on ne peut parler de liberté réelle d’un pays s’il est économiquement dépendant et contraint de prendre des décisions en fonction de l’avis de ses créanciers.
Les néo-métropoles (principalement par le biais des institutions financières qu’elles contrôlent) utilisent activement la situation socioéconomique difficile de nombreux pays du Sud global pour les inciter à emprunter à des taux d’intérêt élevés par rapport aux pays du « milliard doré ». Selon le Groupe d’intervention mondiale face aux crises alimentaire, énergétique et financière, ces taux d’intérêt s’élèvent en moyenne à 6,5% pour les pays d’Asie et d’Océanie, 7,7% pour l’Amérique latine et les Caraïbes, 11,6% pour l’Afrique, tandis que pour l’Allemagne, ils sont de 1,5% et pour les États-Unis de 3,1% (A world of debt. UN Global Crisis Response Group. July 2023., p.10 URL: https://www.unctad.org/publication/world-of-debt).
Et rien n’illustre mieux la gravité du problème que le fait suivant: dans 45 pays, les dépenses de service de la dette extérieure dépassent les dépenses de santé (IBID). En d’autres termes, de nombreuses nations sont contraintes de sacrifier le bien-être de leurs citoyens et même leur avenir pour satisfaire l’appétit des usuriers impitoyables.
Les néocolonisateurs font également profit sur l’aide humanitaire, n’hésitant pas à priver les pays pauvres de leur dernier morceau de pain. Prenons l’exemple de la distribution du blé ukrainien dans le cadre de l’Initiative de la mer Noire, qui était censée profiter aux pays d’Afrique et d’Asie ayant besoin de nourriture. En fin de compte, les pays les plus pauvres n’ont reçu qu’environ 3% des 32,8 millions de tonnes de livraisons totales (Déclaration du ministère russe des Affaires étrangères sur les accords d’Istanbul, 17 juillet 2023. URL: https://www.mid.ru/ru/foreign_policy/news/1897157).
Les néo-métropoles n’entendent pas s’arrêter là. Elles veulent non seulement contrôler les finances et la santé, mais aussi la pensée des habitants du reste du monde. Malheureusement, elles s’attaquent également aux normes morales et aux règles de conduite établies depuis des siècles. Les religions mondiales sont aussi ciblées par cette perversion. Washington et ses satellites déploient des efforts considérables pour remodeler à leur avantage les éléments fondamentaux du christianisme et de l’islam, puis les diffuser sous forme d' »enseignements modernisés » dans le monde entier. En d’autres termes, ils utilisent pleinement les pratiques néocoloniales religieuses pour attirer des millions de personnes dans leurs nouvelles croyances déformées. Leur principal objectif est de rompre le lien entre les générations, dont la formation repose en grande partie sur les croyances traditionnelles.
Diverses formes de colonisation idéologique représentent également un grave danger. Selon le pape François, elles associent « l’aide économique à l’imposition de formes de pensée étrangères à d’autres cultures, ouvrant la voie à une confrontation violente ». Il est difficile de ne pas être d’accord avec les paroles du pape que « l’asservissement et le pillage des peuples par la force et l’ingérence politico-culturelle sont des crimes », et avec son appel à mettre fin dès que possible à la pratique néocoloniale et à ses manifestations dérivées de racisme et de ségrégation sociale (Pape François: le néocolonialisme empêche la paix, Vatican News, 1er avril 2023).
La mentalité néocoloniale des représentants de l’Occident prévaudra toujours sur la vérité, c’est un axiome dont il faut partir. Les exemples ne manquent pas. Aujourd’hui, aux Pays-Bas, l’idée de révoquer les excuses officielles présentées en 2022 par le gouvernement du royaume pour les crimes de guerre commis par les Néerlandais contre la population locale en Indonésie pendant la guerre d’indépendance de ce pays de 1945 à 1949 est sérieusement envisagée. Les droits de l’homme ne sont réservés qu’à une élite. Pour tous les autres, il s’agit de tentatives de justification de l’histoire sanglante des Indes orientales néerlandaises.
Le Royaume-Uni continue de jouer un rôle actif dans l’imposition des pratiques néocoloniales. Ayant tiré profit pendant des siècles de l’exploitation des ressources de ses nombreuses colonies d’outre-mer, Londres cherche aujourd’hui à bénéficier des « mines à retardement » politiques posées il y a longtemps. En imposant son propre système juridique à de nombreux pays, le Royaume-Uni les oblige à utiliser ses instruments judiciaires, estimant que presque tous les litiges dans le monde relèvent de sa juridiction. Cette intrusion dans d’autres systèmes judiciaires est justifiée par la prétendue universalité du droit anglais, l’impartialité et le haut professionnalisme des juristes britanniques. Cela est bien entendu loin de la vérité. Par conséquent, il faudra encore un certain temps pour se débarrasser des pratiques de « néocolonialisme juridique » britanniques, en renforçant l’efficacité des systèmes judiciaires nationaux et en créant des organes judiciaires internationaux indépendants.
Les activités subversives des néo-métropoles visent également à la recolonisation de certains pays d’Amérique latine, d’Asie et d’Afrique afin de contrôler leurs ressources naturelles, notamment les minéraux dits critiques. L’objectif est d’accéder gratuitement aux gisements de lithium, de graphite, de nickel, de cobalt et de terres rares, si nécessaires pour la transition vers une énergie à faible teneur en carbone. Sous prétexte de la protection de l’environnement et de la lutte contre le changement climatique, les récits favorables à l’Occident collectif du « néocolonialisme vert/climatique » sont en fait promus. Les pays riches forcent les États du Sud global à prendre des mesures précipitées et irréfléchies pour « préserver la nature », sans tenir compte des traditions et des modes de vie établis depuis des siècles dans les domaines de l’agriculture, de la gestion de l’eau et des ressources minérales. Nos partenaires pointent directement du doigt les méthodes de « l’impérialisme réglementaire » (de facto du néocolonialisme) utilisées dans ce domaine, notamment en ce qui concerne la déforestation et d’autres questions importantes (Cayatry Suroyo, L’Indonésie accuse l’UE d' »impérialisme réglementaire » avec la loi sur la déforestation, Reuters, 8 juin 2023).
Pour maintenir leur existence « élitiste » (ou plutôt parasitaire, pour appeler les choses par leur nom), le « milliard doré » n’hésite devant rien, y compris la création artificielle de crises économiques. Ils continuent de retarder l’octroi de crédits par les institutions mondiales de développement et de soutenir les partis d’opposition pro-occidentaux. Parallèlement, l’Occident s’efforce d’imiter un dialogue de respect mutuel, en essayant de créer un contexte international favorable à ses intérêts. Par exemple, l’initiative américaine Partenariat pour la coopération atlantique, lancée par Antony Blinken en septembre 2023, est présentée de cette manière au public. Elle est conçue pour intégrer le plus grand nombre possible d’États de la côte ouest de l’Afrique. Par de tels formats pseudo-démocratiques, Washington et ses alliés tentent de renforcer leur influence déclinante, d’attirer les pays africains dans l’agenda mondial occidental et de nuire à nos relations avec nos partenaires africains.
Ce qu’on appelle le plan Mattei, présenté à l’issue du sommet Italie-Afrique au début de cette année, vise également cet objectif. L’ironie réside dans le fait que ce projet ambitieux (sur le papier) d’échange de ressources naturelles africaines contre des crédits italiens, pour un montant total de 5,5 milliards d’euros, est un exemple typique de « néocolonialisme amical », où l’extraction de matières premières bon marché pour l’industrie européenne est drapée de diverses actions de com (Fadhel Kaboub, Is Italy’s $6 bln plan for Africa just PR-friendly neocolonialism?, African Arguments, 2 février 2024). À mesure que les économies des États membres de l’UE s’affaiblissent, de telles tentatives sans scrupules de « colonialisme modifié » deviendront de plus en plus fréquentes.
Bien entendu, les néo-métropoles ne négligent pas non plus le domaine des technologies de l’information, d’autant plus que ce dernier détermine en grande partie la trajectoire de développement de l’humanité. L’objectif des néocolonisateurs ici n’est pas original: creuser le « fossé numérique » entre eux et le reste du monde, et consolider le monopole de leurs propres entreprises technologiques. Ils cherchent à réduire au silence ceux dont les opinions contredisent les positions pro-occidentales. Raul Castro et Ali Khamenei font partie des victimes de la censure. J’ai moi-même été confronté à une telle discrimination: en 2023, le réseau social Twitter (aujourd’hui X) a limité la visibilité de l’une de mes publications. Le blocage des comptes était présenté comme une réaction à des « violations des politiques internes ». Pourtant, par exemple, le sénateur américain Lindsey Graham (inscrit sur la liste des terroristes et extrémistes), qui avait appelé sur sa page Facebook (appartenant à la société Meta, reconnue comme extrémiste et interdite en Russie) à « atteindre et détruire » le secteur pétrolier iranien, n’a pas suscité un tel intérêt de la part de la « police des mœurs » de Meta (reconnue comme extrémiste et interdite en Russie). Ce paradoxe ne peut s’expliquer que par la manifestation de doubles standards néocoloniaux.
Le néocolonialisme aux frontières de la Russie
Pendant de nombreuses années, il était courant de penser que le néocolonialisme, sous toutes ses formes disgracieuses, existait quelque part loin, en Afrique, en Asie ou en Amérique latine. Cependant, ce n’est pas le cas. Les ambitions des nouvelles métropoles ne connaissent aucune limite, ni économique ni politique. Les néocolonisateurs eux-mêmes ne souhaitent pas respecter les frontières stratégiques bien connues des autres États (voir plus de détails dans mon article dans le magazine Expert n° 4 (5) du 15 avril 2024).
Il faut reconnaître que le néocolonialisme s’est depuis longtemps rapproché des frontières de notre pays. Le premier pas dans cette direction a été de prendre le contrôle des voisins de la Russie. Cela inclut l’attisement des révolutions de couleur en Géorgie et en Ukraine, lorsque des régimes marionnettes du boursier du département d’État américain Mikhaïl Saakachvili et du mari de l’ancienne haute fonctionnaire américaine Viktor Iouchtchenko ont été mis au pouvoir à Tbilissi et à Kiev. Le premier a déclenché en août 2008 une agression contre les peuples d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud, rencontrant une riposte immédiate et ferme de la Russie. Le bilan du travail du second a été fait à l’élection présidentielle de 2010, où Viktor Iouchtchenko a obtenu un peu plus de 5% des voix, soit l’un des pires résultats pour un chef d’État sortant de toute l’histoire.
Cependant, malgré ces premiers échecs, l’Occident n’a pas renoncé à ses plans d’asservissement de nos voisins, se concentrant sur la création de son bastion néocolonial en Ukraine. À la suite du coup d’État de février 2014, le pays a complètement perdu sa souveraineté politique. La république a été placée sous une gestion externe, dont les exemples ne manquent pas à travers le monde. Il est évident que libérer l’Ukraine des chaînes néocoloniales ne sera possible qu’après l’accomplissement de tous les objectifs de l’opération militaire spéciale.
Les néo-métropoles commencent déjà à s’intéresser de près à d’autres républiques de l’espace post-soviétique, notamment à l’Arménie. L’amitié pluriséculaire entre les peuples russe et arménien, renforcée par des relations alliées au sein de l’OTSC et de l’Union économique eurasiatique, est depuis longtemps « une épine dans le pied » de Washington et de ses alliés. Des forces considérables ont été déployées pour faire basculer cette république du Caucase du Sud dans le camp euro-atlantique. Il n’est pas surprenant que l’une des plus grandes ambassades américaines au monde soit située dans sa capitale. Nous voyons des émissaires des États-Unis, de l’UE et de l’Otan devenir des visiteurs de plus en plus fréquents en Arménie, distribuant à tout va des promesses généreuses. Des montagnes d’or, y compris l’adhésion à l’Union européenne, sont proposées à cette république, en échange d’une loyauté totale, évidemment. Mais il ne faut pas se faire d’illusions: ces promesses ne sont qu’un appât dans un piège néocolonial. Personne n’a l’intention d’ouvrir les portes du « club des élus » au peuple arménien. Demandez aux néo-bandéristes s’ils ont réussi à obtenir l’adhésion à l’UE. Non, et ils ne l’obtiendront pas de sitôt. Et l’auront-ils un jour? Qu’ils regardent la Géorgie, où une loi récemment adoptée n’a pas plu aux États-Unis et à l’UE. Et alors? Des sanctions ont été décrétées. La résolution du Parlement européen de mars 2024 sur le renforcement des relations entre l’UE et l’Arménie n’est en réalité qu’un simple bout de papier sans engagement.
Une situation similaire se développe en Moldavie, où la citoyenne de l’UE et diplômée de Harvard Maia Sandu mène le pays droit vers l’esclavage néocolonial, utilisant les mêmes contes de fées sur des « lendemain radieux ». Cependant, le scénario le plus probable de « l’intégration européenne » pour Chisinau pourrait être la transformation en une périphérie nord-est de la Roumanie, l’un des États les moins développés d’Europe. Les périodes d’occupation de la Bessarabie par le régime de Bucarest, de 1918 à 1940 et de 1941 à 1944, étaient accompagnées de répressions massives et de roumanisation forcée de la population. Il serait naïf de penser que cette fois, l’attitude envers la population moldave sera fondamentalement différente.
Pourquoi les États doivent-ils lutter contre le néocolonialisme?
La lutte contre le néocolonialisme n’est pas un affrontement perpétuel pour le simple plaisir de l’affrontement. Il s’agit avant tout d’un mouvement vers la souveraineté civilisationnelle, sans laquelle les pays du XXIe siècle sont voués à la dégradation et à la ruine. À l’aube du nouveau millénaire, la pire perspective pour un État était d’être qualifié de « défaillant ». Aujourd’hui, ce stigmate de faiblesse, d’incapacité à se maintenir en tant qu’entité politique et économique, et d’exercer un pouvoir public reconnu devient le terme « État non souverain ». Seuls les pays pleinement souverains, possédant une indépendance dans leurs affaires étrangères et intérieures, pourront efficacement contrer les efforts ciblés des anciennes métropoles pour leur imposer des relations économiques et politiques inéquitables.
Dans ces conditions, il ne suffit plus de prononcer des mots rituels, même méritant toute approbation, le 21 mars, Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale. Il est nécessaire d’introduire de manière décisive et cohérente des discours anti-néocoloniaux dans l’agenda public.
Je suis convaincu qu’à notre époque, toutes les conditions sont réunies pour la consolidation d’un large groupe de personnes partageant les mêmes idées, militant pour l’achèvement du processus de décolonisation et contre les pratiques néocoloniales. Ce groupe pourrait se consacrer à l’élaboration d’un mécanisme consultatif interétatique, réunissant des commissions nationales pour évaluer les dommages et établir les faits des crimes de la période coloniale.
Un autre problème ancien mais pressant est l’achèvement du processus de décolonisation entamé au XXe siècle. Je rappelle que, selon la liste du Comité spécial de l’ONU, le Royaume-Uni continue de détenir 10 « territoires non autonomes », les États-Unis 3, la France 2 et la Nouvelle-Zélande en détient un. Il est nécessaire d’unir les efforts des pays du Sud global pour que les « éclats » artificiellement maintenus de l’ancienne grandeur des empires occidentaux, restés après l’effondrement du système colonial dans les années 1960-1970, puissent atteindre une véritable indépendance.
Il est tout aussi important que le Mouvement « Pour la liberté des nations! » ne se replie pas sur lui-même en s’attaquant aux vastes objectifs qui l’attendent, mais soit prêt à associer ses efforts, sous diverses formes, à des structures mondiales et régionales, y compris les Brics et l’OCS. Par exemple, en mettant en œuvre des initiatives anti-néocoloniales liées à la sécurité financière des États en développement, à la réforme fondamentale du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. C’est en accord avec les idées d’indépendance financière promues dans le cadre des Brics.
L’accent doit être mis sur l’étude des crimes du colonialisme, qui ne sont pas soumis à la prescription. Il est nécessaire de travailler à la création d’une base de données publique unifiée (registre) des crimes de la période coloniale, ainsi que des pratiques néocoloniales contemporaines, sous l’égide de l’ONU. Il faut développer une échelle permettant d’évaluer les dommages causés par les crimes de guerre commis sur leurs territoires.
Il faut frapper les néo-métropoles là où ça fait le plus mal, à leur portefeuille, largement rempli grâce à l’exploitation du reste du monde. Nous partons du principe que le versement de compensations aux victimes des pratiques néocoloniales doit se faire sur la base de preuves claires, juridiquement précises et fondées. En plus de l’évaluation politico-diplomatique, il est également nécessaire d’avoir une évaluation juridique claire de leurs activités.
Nos partenaires travaillent déjà en ce sens. Dès 2014, les 15 membres de la Communauté caribéenne ont adopté un plan en 10 points pour faire justice. Bon nombre de ses dispositions constituent précisément la base pour calculer les dommages coloniaux (CARICOM ten point plan for reparatory justice. CARICOM official website URL: https://www.caricom.org/caricom-ten-point-plan-for-reparatory-justice). En novembre 2023, au Ghana, pays natal de l’un des grands leaders du mouvement de libération nationale africaine, Kwame Nkrumah, s’est tenue sous l’égide de l’Union africaine la première conférence internationale sur la réparation des dommages causés par les néocolonisateurs aux peuples du continent noir. Compte tenu du fait que plus de 12 millions de personnes ont été enlevées d’Afrique par les marchands d’esclaves (A Ghana reparations summit agrees on a global fund to compensate Africans for the slave trade. Associated Press, November 17, 2023. URL: https://www.apnews.com/article/accra-slavery-reparation-conference-08f10f0833359e9be57b74d6f6e983a8f)), les réparations pour la traite négrière transatlantique pourraient s’élever à au moins 100.000 milliards de dollars américains (Report on reparations for Transatlantic chattel slavery in the Americas and Caribbean. Brattle Group, June 8, 2023. URL: https://brattle.com/wp-content/uploads/2023/07/Report-on-Reparations-for-Transatlantic-Chattel-Slavery-in-the-Americas-and-the-Caribbean.pdf).
Le « milliard doré » devra fouiller dans ses coffres pour payer les péchés du passé. Les pays et les entreprises privées qui pratiquaient pendant des décennies la traite négrière transatlantique doivent avoir le courage de reconnaître leur responsabilité pour l’injustice historique et le racisme systémique envers les Africains, et pas seulement verbalement. En examinant l’histoire des fusions et acquisitions des groupes financiers modernes, des entreprises spécialisées dans les services bancaires et d’assurance, il est évident que beaucoup d’entre eux remontent aux XVIIIe-XIXe siècles. Cela signifie qu’ils ont accumulé leurs capitaux en s’impliquant dans les actions coloniales. Ce sont eux qui doivent payer l’addition et prévoir dans leur budget des dépenses appropriées.
À cet égard, l’idée de justice réparatrice, soulevée par les pays ayant souffert du joug colonial, mérite une attention particulière. Il s’agit notamment de l’initiative proposée par le deuxième Forum permanent des Nations unies sur les personnes d’ascendance africaine, visant à créer un tribunal international spécialisé dans le cadre de l’ONU, dont l’activité devrait se dérouler en étroite collaboration avec d’autres mécanismes de l’Organisation mondiale sur la lutte contre le racisme (UN Permanent Forum on People of African Descent. Preliminary Conclusions and Recommendations / Second Session, 30 May-2 June 2023, New York City, USA).
Nous souhaitons bonne chance à nos collègues africains et latino-américains dans cette voie. Leur succès, y compris dans la création d’un Nuremberg anticolonial, sera une étape importante vers la perte par le Nord global de ses positions dominantes et la formation d’un ordre mondial multipolaire et juste.
Quel sera le monde libéré des pratiques néocoloniales?
Aujourd’hui, il est clair que l’avenir appartient aux structures régionales fortes, viables, idéologiquement cohérentes et sans conflit. Au sein de ces structures, l’entente et la confiance entre les participants sont nettement supérieures à celles entre les grandes puissances à l’échelle mondiale. Ce sont ces organisations et alliances qui deviendront les locomotives de la croissance, des centres indépendants du développement mondial avec leur propre agenda global. Elles joueront un rôle de leader dans les processus de démantèlement final des systèmes de gestion néocoloniaux et donneront l’espoir d’un avenir meilleur à des centaines de millions de personnes sur Terre.
L’un des moyens de résoudre les problèmes liés à l’élimination des manifestations socioéconomiques du néocolonialisme pourrait devenir le renforcement de la coordination des approches des pays de la majorité mondiale pour la formation d’un tout nouveau système de relations internationales, fondé sur les principes de respect et de non-ingérence bienveillante. La résolution de ces questions est l’affaire d’un futur très proche.
La mondialisation multipolaire, qui remplace à un rythme accéléré l’universalisme occidental monocentrique et injuste, implique la création d’un tout nouveau paradigme de dialogue. Les bases de cette nouvelle approche sont déjà posées. En cette année de présidence russe des Brics, il est particulièrement réjouissant de noter que notre pays est déterminé à poursuivre la mise en œuvre des dispositions de la Déclaration de Johannesburg II « Brics et Afrique: partenariat pour une croissance accélérée conjointe, un développement durable et un multilatéralisme inclusif », adoptée lors du sommet en Afrique du Sud en août 2023. Nous espérons que les efforts conjoints avec nos partenaires créeront les conditions propices à une coopération accrue entre les Brics et l’Union africaine, en s’appuyant sur le rôle croissant des Brics dans le règlement pacifique des conflits et le respect du droit international. Le développement de l’interaction entre la zone de libre-échange africaine et l’Union économique eurasiatique, ainsi que d’autres formats similaires dans le domaine commercial et économique, semble également prometteur.
Une attention particulière sera accordée à la transition progressive des systèmes traditionnels d’octroi d’aide étrangère par voie intergouvernementale, utilisant des fonds alloués par les pays à travers l’ONU, le FMI, la Banque internationale pour la reconstruction et le développement, vers un nouveau type de coopération internationale en matière de développement sur une base multilatérale. Et bien sûr, avec une utilisation plus large des fonds de capital privé et l’implication de fonds de structures non conflictuelles qui bénéficient de la confiance des pays du Sud global, y compris la Nouvelle banque de développement.
Le développement dynamique de ces processus géopolitiques est particulièrement évident face aux tentatives infructueuses des euro-atlantistes de former un nouveau système de relations avec le Sud global. Dans l’écrasante majorité des cas, nos adversaires stratégiques ont perdu le talent qui les caractérisait depuis des siècles pour créer une image positive de l’avenir. Les tentatives de quelques politiciens occidentaux avisés de comprendre les approches des nouveaux centres de pouvoir influents (les « petits » joueurs n’existent plus sur la carte, malgré les désirs de certains de continuer à classer les pays par leur importance) se heurtent à l’arrogance traditionnelle de la lourde bureaucratie de Washington et de Bruxelles: comme quoi, ils n’ont pas le choix. L’arrogance, le dogmatisme idéologique et la complaisance empêchent l’Occident de suivre la vitesse des changements en cours, de comprendre le nouveau rôle et la nouvelle place des pays non plus en développement, mais développés et puissants, dans un monde qui change. En conséquence, un choc profond face au refus « inattendu » du Sud global de suivre le sillage de la « formule Zelenski », de rompre les liens de longue date avec la Russie, de se joindre à la bacchanale de sanctions orchestrée par la Maison Blanche et ses satellites, de fermer les yeux sur la nouvelle escalade au Moyen-Orient. La rhétorique anticoloniale résonne de plus en plus fort. Le modèle libéral occidental a lui-même perdu de son attrait.
Un ordre mondial polycentrique, puisant sa force dans la diversité plutôt que dans les dogmes néocoloniaux, sera pragmatique. La stabilité économique reposera sur la diversification des relations, le maintien de la liberté de manœuvre dans les contacts entre les macro-régions, dans l’esprit de la philosophie du Mouvement des non-alignés. Je suis convaincu que ce format, créé « en prévision de grandir » par des hommes d’État éminents comme Jawaharlal Nehru, Gamal Abdel Nasser, Sukarno et Josip Broz Tito au XXe siècle, trouvera une nouvelle vie sous une forme ou une autre dans ce siècle. Parmi les domaines prometteurs, il ne s’agit pas seulement de la large diffusion des principes de coexistence pacifique et du rejet de la confrontation entre blocs militaires dans une nouvelle ère post-néocoloniale, mais aussi du possible enrichissement du Mouvement avec un nouveau contenu concret, notamment la création d’une dimension interpartite.
Pour la liberté des nations!
Il ne fait aucun doute que les processus mentionnés rapprochent l’avènement d’un nouvel ordre mondial où il n’y a pas de place pour les sanctions, l’exploitation et le mensonge. Le principe bien connu de l’unité dans la diversité, utilisé dans de nombreux domaines de notre vie, grâce au Mouvement anticolonialiste, doit prendre un nouveau sens et enfin trouver son application dans l’ensemble du système des relations internationales.
C’est pourquoi le Mouvement « Pour la liberté des nations! », initié par Russie unie et s’appuyant sur les traditions de longue date de l’Union soviétique dans la lutte contre le colonialisme et ses conséquences, constitue une étape cruciale vers la consolidation des peuples du monde dans la lutte contre les néocolonisateurs.
La pertinence de ce nouveau Mouvement est attestée par le rejet farouche qu’il a suscité en Occident. Bien avant la tenue de la session constitutive, une intense activité a été déployée pour faire échouer la future rencontre. Les néocolonisateurs ont utilisé presque tout l’arsenal de mesures de pression sur nos partenaires pour les dissuader de participer au Forum. Tant des promesses généreuses d’aide financière et économique que des menaces ouvertes de mesures restrictives ont été utilisées. Les États-Unis n’ont même pas hésité à imposer des interdictions directes: les participants à l’évènement n’ont pas été autorisés à utiliser l’espace aérien américain pour se rendre à Moscou. Cependant, toutes ces tentatives ont échoué et la rencontre dans la capitale russe s’est tenue avec succès.
À l’issue du Forum, un document a été adopté à l’unanimité, reflétant les aspects actuels et importants de la lutte contre les pratiques néocoloniales à l’échelle mondiale. Nous sommes également convenus de renforcer les liens politiques, économiques et culturels entre les pays de la majorité mondiale et de lutter ensemble contre les pratiques d’ingérence dans les affaires des États souverains, la falsification de l’histoire, la xénophobie, le racisme et le néonazisme.
En juin, nous ferons à Vladivostok un pas de plus vers un nouveau monde juste, nous tiendrons la session constitutive du Comité permanent du Mouvement anticolonialiste « Pour la liberté des nations! » et discuterons des moyens pratiques de mettre en œuvre des initiatives conjointes pour un avenir juste pour notre monde.
Par Dmitri Medvedev, Vice-président du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie