Depuis quelques années, la société civile guinéenne réclame une meilleure prise en compte par les systèmes politiques des problèmes qui entravent l’accès équitable des femmes et même les hommes à la terre et à l’ensemble des ressources qu’elle renferme. Des lois, des traités et des conventions ont été adoptées par la Guinée reconnaissant l’égalité des droits aux hommes et aux femmes concernant l’accès à la terre. Mais sur le terrain, la réalité demeure toute autre, d’une localité à l’autre, selon les spécificités en termes de coutume et de réalités socio-culturelles.
Pour inverser cette tendance, des actions de concertation et d’échanges sont indispensables afin d’analyser les obstacles et faire des propositions concrètes pour contribuer à améliorer l’accès des femmes au foncier. Car, l’accès des femmes au foncier a été de tout le temps un problème crucial et le demeure encore, surtout dans un contexte de pression démographique quasiment incontrôlée de l’exploitation minière artisanale et industrielle.
C’est dans cette lancée, que la société civile guinéenne a travers ONG Créativité & Développement(C-DEV), a initié une mission à l’intérieur du pays. Objectif, toucher du doigt les réalités que traversent les communautés particulièrement les femmes et faire des propositions concrètes pour des interventions plus efficaces qui pourraient contribuer à améliorer leur accès à la terre.
La présidente de l’ONG C-DEV, NENTEBOU BARRY précise : « Nous sommes dans une dynamique de collecte de données par rapport à la problématique relative au non accès des femmes à des terres notamment dans les zones impactées par l’exploitation minière en Guinée. Cette démarche s’inscrit dans le cadre de la stratégie 2021 du collectif des organisations de la société civile pour la défense des communautés (COC-DC) à travers l’ONG C-DEV » a-t-elle indiqué. A cet effet poursuit, NENTEBOU : « notre ONG C-DEV a proposé un projet de plaidoyer pour l’amélioration et la sécurisation des droits fonciers des femmes dans les réformes envisagées par le Gouvernement sur la gouvernance foncière en Guinée. Le projet consiste à contribuer à la réforme foncière envisagée par l’État à travers un plaidoyer sur la reconnaissance et la sécurisation des droits fonciers des couches vulnérables, notamment les femmes dans trois préfectures abritant des localités minières : Siguiri (Kintinian et Doko) et Kérouané (Damaro) en Haute Guinée et Beyla (Nionsomoridou) en Guinée forestière » a-t-elle ajouté.
La mise en œuvre de ce projet prévoit une recherche action participative pour adresser les défis aux décideurs. C’est pourquoi, elle dira que : « l’objectif principal de notre mission est de superviser la collecte des données et des informations sur la problématique de l’accès des femmes à des terres dans les différentes zones que nous allons visitées d’une part et de s’entretenir avec des agents de développement locaux d’autre part sur les données qu’ils ont déjà pu collecter par rapport à ce sujet».
S’agissant du constat déjà identifié sur le terrain, la présidente de l’ONG C-DEV énumère les premiers : « Nous venons d’effectuer une visite dans le district de Moribadou, sous préfecture de Nionsomoridou préfecture de Beyla où il y a la chaîne de montagne du Mont Simandou concernant le Bloc 3 et 4 de la Société Rio Tinto. Là, les coutumiers et les jeunes ont affirmé que les femmes peuvent acheter des terres mais pas celles cultivables. Aussi, qu’elles n’ont pas accès à la terre en cas d’héritage. Donc, nous avons compris par là que c’est parce que tout simplement, ces femmes ne connaissent pas leur droit ni les lois qui les protègent tout de même que les coutumiers, les jeunes. Voici des situations qui doivent interpeller tout le monde particulièrement nous qui intervenons dans ce secteur. En plus de cette méconnaissance de ces textes liés au foncier en faveur des femmes, la communauté de Moribadou n’a aucune connaissance sur leurs droits liés à l’exploitation minière, ni à la phase recherche, à la phase de développement et à la phase d’exploitation et même à la phase de restauration des zones dégradées. Donc, raison pour laquelle, cette communauté n’a aucune maitrise des procédures juridiques ou administratives en cas de violation de leurs droits sur l’accès sécurisé à la terre. Il y’a également une pression sociale qui pèse beaucoup sur les femmes, elles n’ont pas la voix au chapitre » a-t-elle déploré.
Aussi, aux dires des communautés de cette localité, les terres cultivables ont été accaparées il y’a près de 20 ans par la Société Rio Tinto, qui jusqu’à l’heure actuelle aucune exploitation minière n’a commencé sur ce site c’est à dire les blocs 3 et 4 de Simandou. A en croire certains, ils sont obligés de louer un hectare à 100 000 GNF pour leurs activités de cultures aux gardes forestiers afin de subvenir à leurs besoins en matière de nourriture.
En République de Guinée, selon l’expérience sur le terrain du Collectif des organisations de la société civile pour les Droits des Communautés (COC-DC) y compris l’organisation Créativité et Développement (C-DEV), dans la plupart des régions administratives, l’activité économique est essentiellement basée sur l’exploitation des ressources minières, l’agriculture et l’élevage. La terre est donc un élément capital pour la promotion des activités économiques, surtout en milieu rural. Les femmes en Guinée continuent de faire l’objet de discriminations, y compris quant à l’accès à la terre. Elles devraient jouir des mêmes droits que les hommes et donc leur accès équitable à la terre est indispensable dans une société qui se veut soucieuse de la promotion sociale et de l’expression du droit à l’alimentation.
Pour rappel, en 2020 C-DEV en partenariat avec le Fond Global pour les Droits Humain Mondiaux a mis en œuvre un projet d’Appui à l’accès des femmes aux ressources foncières dans les zones impactées par la Société Minière de Boké (SMB) dans les localités de Kolaboui et de Katougouma. Ce projet a eu pour objectif d’améliorer la participation des femmes dans les actions de plaidoyer pour la défense de leurs droits liés à l’accès aux ressources foncières dans les localités cibles.
Mohamed Lamine Diaby depuis Beyla pour Lavoixdupeuple
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