Des dizaines de journalistes ont participé, vendredi, à Tunis, à une marche de protestation contre l’arrestation par les autorités de leur confrère, Ghassen Ben Khelifa, depuis trois jours, et dont le dossier a été transféré au pôle judiciaire de lutte antiterroriste.
Le correspondant de l’Agence Anadolu (AA) a rapporté que la marche, organisée à l’appel du Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt), a démarré devant le siège du syndicat en direction de l’Avenue Habib Bourguiba où les manifestants ont défilé devant le siège du ministère de l’Intérieur, avant de rallier la rue de Paris et l’avenue de la Liberté.
Les protestataires ont scandé des slogans appelant à la liberté d’expression et de la presse s’agissant essentiellement de « La liberté pour la presse tunisienne », « Constants dans la défense de la liberté de la presse » et « Un quatrième pouvoir et non pas un pouvoir soumis ».
De leur côté, les autorités tunisiennes n’ont pas émis de commentaires depuis l’arrestation du journaliste.
Mardi dernier, Marwa Cherif, épouse du journaliste indépendant Ghassen Ben Khelifa, avait déclaré à AA que « des hommes en civil avaient, sans mandat judiciaire, pris d’assaut notre maison et amené de force mon mari au siège de la Brigade criminelle d’El Gorjani (centre de Tunis), tout en confisquant son cellulaire et son ordinateur personnel, ainsi que l’ordinateur de son frère du domicile de ses parents ».
Cherif a ajouté : « Le parquet a décidé de transférer Ghassen au pôle judiciaire de lutte antiterroriste, sans pour autant dévoiler le lieu de sa détention et sans autoriser son avocat à le voir pendant plus de deux jours ».
Elle a relevé que « l’intégrité physique de Ghassen relève de la responsabilité du pouvoir en place (le président Kaïs Saïed et les ministres de la Justice et de l’Intérieur) ».
Et notre interlocutrice d’ajouter : « Il a été décidé de détenir mon mari pendant 5 jours pour enquêter dans une affaire terroriste liée à une page Facebook qui publie des contenus contre le président Saïed et mon époux est accusé d’administrer cette page, ce qui est faux ».
En marge de la marche, Amira Mohamed, vice-présidente du Snjt, a déclaré à AA : « Notre marche aujourd’hui a comme demande fondamentale de libérer le journaliste et le blogueur Ghassan Ben Khelifa et de dévoiler le mystère qui entoure le dossier de son arrestation pour terrorisme ».
Et Mohamed d’ajouter : « Ce qui se passe aujourd’hui est un scandale d’Etat. Pour la deuxième fois au cours de cette année un journaliste est arrêté dans une affaire de terrorisme sans pour autant dévoiler des détails convaincants et clairs ».
« Le Snjt et l’ensemble des organisations de la société civile et les partis politiques dénoncent la poursuite de l’oppression par le pouvoir et les restrictions imposées aux médias et à la liberté de la presse », a-t-elle insisté.
« Notre protestation aujourd’hui fait partie d’une série de mesures engagées pour faire face au traitement initié par l’État contre les journalistes et les militants de façon injuste, lequel État use de la violence, ce qui ne peut être accepté par les Tunisiens », a-t-elle conclu.
La Tunisie traverse une grave crise politique depuis le 25 juillet 2021, date à laquelle Saïed avait engagé une série de mesures d’exception, s’agissant essentiellement du limogeage du gouvernement et de la nomination d’un nouvel exécutif, de la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature et du Parlement, tout en légiférant par voie de décrets présidentiels et de la promulgation d’une nouvelle Constitution, à la faveur du référendum du 25 juillet dernier, et en annonçant des élections législatives anticipées.
Plusieurs forces politiques et sociales tunisiennes, rejettent les mesures de Saïed, qu’elles considèrent comme étant « un coup d’État contre la Constitution » de 2014 et une consécration d’un pouvoir absolu et individuel, tandis que d’autres partis les soutiennent, estimant qu’il s’agit d’une « restauration du processus de la Révolution » de 2011, qui avait fait chuter l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali (1987-2011).
Source : Anadolu