Dans plusieurs zones urbaines, l’aménagement des voiries tant attendu devient enfin une réalité. Des quartiers longtemps oubliés dans la poussière ou la boue voient désormais leurs routes bitumées ou bétonnées. Ces avancées redessinent les paysages, désenclavent des centaines de familles, augmentent la valeur immobilière et facilitent la mobilité. Une véritable opportunité de développement.
Mais à peine les engins repartis, des scènes préoccupantes s’installent. Certains riverains détournent ces infrastructures flambant neuves de leur vocation publique. Les trottoirs deviennent extensions de salons, les chaussées, lieux de vidange domestique. Des eaux savonneuses, parfois même issues de fosses sceptiques, ruissellent librement sur les routes. Par endroits, les déchets s’amoncellent, témoins muets d’un civisme défaillant.
Ces pratiques, loin d’être anodines, sapent les efforts de modernisation urbaine. Elles accélèrent la dégradation des ouvrages et mettent en péril la salubrité publique. Pire encore, elles installent une tension sociale : les voisins soucieux du bien commun sont marginalisés, qualifiés de “toubabs” ou d’arrogants. Leur désir de préserver le cadre de vie est perçu comme une offense, leur silence comme de l’indifférence.
Dans cette dynamique, les autorités locales, souvent alertées, brillent par leur inaction. Aucune campagne de sensibilisation, pas de suivi des comportements nuisibles, encore moins de sanctions. La défaillance est collective : entre tolérance de l’inacceptable et abdication du bon sens.
L’incivisme n’est pas une fatalité. Il est le reflet d’une société qui a oublié que le bien commun commence sur le pas de sa porte. Entre l’urbanisation galopante et la modernisation des infrastructures, une prise de conscience s’impose. Ce sont nos routes, nos quartiers, nos vies.
Et si la vraie modernité n’était pas dans le goudron, mais dans l’attitude de ceux qui marchent dessus ?
Djoumè Sacko