Après la sortie du ministre de l’enseignement Pré-universitaire et de l’Alphabétisation, Guillaume Hawing, hier mercredi 12 septembre 2022 chez nos confrères d’Espace FM dans leur émission ‘’Grande Gueules’’, les réactions du bouillant syndicaliste national de l’éducation (SNE) n’ont pas tarder. À travers sa page Facebook, Michel Pépé Balamou fait le décryptage du système éducatif guinéen ce mardi 13 septembre 2022. Il a tout d’abord dénoncé les tares de ce système avant de proposer des pistes de solutions.
Lisez !!!
« S’il y’a actuellement un dénominateur commun à tous les systèmes éducatifs du monde c’est bien entendu la crise de l’apprentissage et la pénurie d’enseignants. Le métier d’enseignant, considéré jadis comme un métier noble a perdu sa noblesse du fait que le secteur de l’éducation n’est plus attractif et ne permet plus à l’enseignant de subvenir à ses besoins fondamentaux ( nourriture, logement et habilement) à fortiori ses besoins secondaires. Ce manque de choc d’attractivité , de mesures incitatives suffisantes et de bien-être psychosocial rime parfaitement avec la crise de vocation enseignante et le décrochage des enseignants . Ceux qui y viennent le font par nécessité et non par vocation ou conviction.
La France , à la veille de la rentrée scolaire 2022-2023 avait un déficit criard de 27 000 enseignants. Elle est parvenue à recruter 23000 enseignants titulaires et 3000 enseignants contractuels. Il reste 1000 places à combler mais pas de candidats pour être enseignant , vu la pénibilité du métier d’enseignant , même si le salaire minimum d’un enseignant débutant est fixé à 2000 euros par mois dès cette année scolaire. La crise enseignante la plus perceptible est le déficit de professeurs de mathématiques. Les sortants des départements de mathématiques préfèrent travailler au privé que de devenir enseignants.
Conséquence: le niveau des élèves français baisse d’année en année. Surtout chez les élèves de la 3ème ( 10ème chez nous)
Et pendant ce temps en Guinée, depuis 2019, l’école de la République a un déficit de 19292 enseignants alors que de 2011 à 2018, l’Etat avait recruté 25.000 enseignants dont beaucoup ont changé de département ministériel mais continuent d’exister dans le fichier du personnel enseignant sans être opérationnel sur le terrain.
De 2019 à 2022 des milliers d’enseignants sont admis à faire valoir leur droit à la retraite sans être remplacés.
Au même moment 4500 enseignants contractuels communautaires sont payés par les communautés villageoises, 10587 enseignants contractuels bénévoles et volontaires enseignent gratuitement (sans salaire) pendant dix ans dans les écoles rurales très enclavées dans lesquelles les enseignants titulaires refusent d’aller enseigner lorsqu’il y sont affectés.
C’est contractuels sont qualifiés d’incompétents alors qu’ils sont les produits de nos universités et écoles professionnelles et ont été enseignés par nous-mêmes
À qui la faute ? Allons-nous prendre les diplômés de la planète Mars pour enseigner nos enfants ? La plus belle femme du monde ne peut donner que ce qu’elle a.
Pire comment permettre aux incompétents d’enseigner 10 promotions d’élèves guinéens ? Lorsqu’ils travaillent gratuitement , ils ne sont pas incompétents mais c’est lorsqu’on parle de recrutement que leur incompétence s’affiche au grand jour.
Quelle incohérence !
Le plus ridicule dans tout ça réside dans le supposé redéploiement de 2440 enseignants sortis des bureaux et de nulle part dans les écoles.
Pour la petite histoire , le recensement de septembre 2018 avait donné 11000 enseignants introuvables dans les salles de classe mais qui existent dans le fichier.
En 2019 , un autre recensement avait porté sur 5557 enseignants fictifs à radier. Mais hélas ! Ceux qui sont chargés de la mise en œuvre de cette décision sont ceux-là même qui sont complices de ces enseignants qui en réalité ne sont pas des fictifs mais travaillent dans les entreprises privées , sont députés et beaucoup ont bénéficié de promotion dans l’administration publique.
Est-ce que ceux-là seront au rendez-vous du 4 octobre 2022? C’est un leurre.
Les 70 % de ceux qui bénéficient de décrets sont des enseignants et même ceux qui occupent des postes électifs. Beaucoup sont dans les formations politiques et bénéficient de promotion. ( c’est l’enseignant qui a le courage de s’afficher en politique).
Est-ce que les milliers d’enseignants qui ont bénéficié de décrets et qui ont leurs noms parmi les 2440 enseignants redéployables seront au rendez-vous du 4 octobre 2022 ?
Sur la foi du recensement de 2019 , il existe 50875 enseignants en Guinée dont:
_ 10 247 Hiérarchie A1
_ 11505 Hiérarchie A2
_ 476 Hiérarchie A3
_18940 Hiérarchie B1
_ 6980 Hiérarchie B2
_ 2723 Hiérarchie C.
De l’autre côté , envoyer des inspecteurs dans les structures déconcentrées et les établissements publics scolaires en période de vacances en l’absence des enseignants et croire en la fiabilité des listes remontées par ceux-là même qui sous-traitent avec les enseignants qui travaillent dans les entreprises , les institutions internationales et dans les banques est une poudre aux yeux.
Le meilleur recensement consiste à trouver les enseignants en situation de classe.
Les 2440 enseignants supposés redéployables n’existent que sur le papier .
Pour remédier au déficit criard de 20000 enseignants dans nos concessions scolaires, il faut :
1● Contractualiser les 10587 enseignants volontaires et communautaires pendant 3 ans avec une prime proportionnelle au SMIG.
Le salaire d’un enseignant titulaire permettra de payer 5 enseignants contractuels.
Après les 3 ans , les meilleurs seront reversés directement à la fonction publique.
Une année supplémentaire va être accordée autres qui seront formés et évalués en pratiques de classe. Les moyens vont être reversés à la fonction publique et les faibles libérés ou remerciés.
C’est la meilleure façon de recruter des enseignants.
2 ● Recruter au poste. C’est-à-dire responsabiliser les chefs d’établissement dans le recrutement d’enseignants parce que ce sont eux qui connaissent leurs besoins en enseignants.
Recruter les fils du terroir permet de les retenir dans les écoles puisqu’ils sont chez eux.
3● Faire signer un engagement décennal par tous ceux qui vont être retenus. C’est-à-dire renoncer à changer de département ministériel pendant les dix premières années de services dans le secteur de l’éducation.
Pour changer de département ministériel , il faut avoir fait 10 ans en classe.
4● Nommer les cadres sur la base d’un plan de carrière et de diplômes professionnels : APES ( Animateur pédagogique de l’enseignement secondaire), CPMF ( Conseiller pédagogique et maître formateur) , PEN ( Professeur d’école normale) et d’autres qualifications professionnelles. À défaut les enseignants les plus compétents dans leur matière.
NB : Lorsque l’enseignant sait que son chef est choisi sur la base de la compétence et est plus compétent que lui , il va le respecter et son autorité sera renforcée. Mais lorsqu’il sait que son chef a été nommé par copinage et qu’il est mieux formé que lui , c’est un problème.
Pour le moment rien de clair n’éclaire l’horizon.
Il faut changer de paradigme avant qu’il ne soit trop tard » a-t-il écrit.