Nairobi, 15 octobre 2025 – Le Kenya perd aujourd’hui l’un de ses plus illustres fils. Raila Amolo Odinga, figure emblématique de la lutte pour la démocratie, est décédé à l’âge de 80 ans des suites d’un arrêt cardiaque survenu en Inde. Sa disparition plonge la nation dans une profonde tristesse, tant son nom est intimement lié à l’histoire politique et aux combats pour la liberté au Kenya.
Né le 7 janvier 1945 à Maseno, dans l’ouest du Kenya, Raila Odinga était le fils de Jaramogi Oginga Odinga, premier vice-président du pays après l’indépendance et grand opposant au régime de Jomo Kenyatta. Héritier d’une tradition politique, Raila a étudié l’ingénierie en Allemagne avant de revenir au Kenya, où il entama une carrière d’enseignant avant de s’engager pleinement dans la vie publique. Très tôt, il fit le choix de la contestation face au régime autoritaire du président Daniel arap Moi. Cet engagement courageux lui valut de multiples arrestations, des années d’emprisonnement sans procès et des accusations de trahison. Pourtant, ces épreuves ne brisèrent jamais sa détermination. Au contraire, elles forgèrent en lui une foi inébranlable en la démocratie et en la justice sociale.
Raila Odinga fut l’un des principaux artisans du passage du Kenya au multipartisme au début des années 1990. Il incarna, aux yeux de nombreux citoyens, la résistance à la dictature et la voix des sans-voix. Son charisme, sa capacité à mobiliser les foules et son éloquence lui valurent une popularité exceptionnelle, notamment dans les régions de l’ouest et du littoral. Surnommé affectueusement « Baba », le père, il symbolisait pour beaucoup le courage et l’espoir d’un pays plus équitable.
Pourtant, sa trajectoire fut aussi marquée par une série de défaites électorales douloureuses. Candidat à la magistrature suprême à cinq reprises ( en 1997, 2007, 2013, 2017 et 2022 ) il ne parvint jamais à accéder à la présidence. L’élection de 2007, en particulier, laissa une cicatrice profonde : son avance présumée fut contestée, plongeant le pays dans une crise postélectorale sanglante. De ces heures sombres naquit cependant une réconciliation historique qui permit la formation d’un gouvernement d’union nationale, au sein duquel Raila Odinga occupa la fonction de Premier ministre de 2008 à 2013. Durant cette période, il contribua de manière décisive à l’adoption de la nouvelle constitution de 2010, acte fondateur d’un Kenya plus démocratique.
Malgré ses revers répétés, Odinga ne se résigna jamais. Il resta fidèle à son idéal et demeura une voix incontournable de la politique africaine. Même après ses dernières batailles électorales, il continua d’incarner la conscience morale du pays. En 2025, il nourrissait encore de grandes ambitions continentales, briguant la présidence de la Commission de l’Union africaine.
Sa mort survient à un moment où le Kenya, et plus largement l’Afrique, cherchent à consolider leurs institutions démocratiques. Le président William Ruto a décrété sept jours de deuil national en hommage à celui qui fut tour à tour rival et allié. Dans les rues de Nairobi, de Kisumu et de Mombasa, des foules en larmes chantent son nom, brandissent ses portraits et répètent les slogans de ses campagnes passées.
Raila Odinga laisse derrière lui un héritage immense. Il n’a peut-être jamais conquis le pouvoir suprême, mais il a gagné ce qui compte le plus : le respect, l’admiration et la reconnaissance d’un peuple qu’il a servi jusqu’à son dernier souffle. Par sa constance, ses sacrifices et sa foi dans la justice, il demeure une figure tutélaire de la démocratie kényane et africaine. Son nom s’inscrira à jamais parmi ceux des grands hommes qui, sans avoir régné, ont marqué leur siècle par la noblesse de leur combat.
Par Aboubacar SAKHO
Expert en Communication