Le drame de Maneah n’est pas seulement une tragédie locale. Quinze vies arrachées, onze blessés et des disparus toujours recherchés : derrière ces chiffres se cachent des familles brisées, des enfants privés de leurs repères et des foyers plongés dans une douleur irréversible. Mais ce qui s’est passé à Maneah dépasse le simple bilan humain, il révèle notre vulnérabilité collective face aux catastrophes, naturelles et humaines, et met en lumière l’urgence d’une prise de conscience nationale.
Un glissement de terrain n’est jamais qu’un accident naturel. Il résulte d’une interaction entre l’homme et son environnement. La déforestation, l’urbanisation anarchique, l’absence de planification et la tolérance envers les constructions précaires transforment nos villages et nos villes en pièges mortels. À force de fermer les yeux, nous finissons par payer le prix fort, et les victimes sont toujours les plus fragiles.
Les images de citoyens creusant à mains nues pour secourir des voisins témoignent d’une générosité admirable. Mais elles ne doivent pas masquer les failles structurelles. Chaque catastrophe suit le même schéma : choc, indignation, promesses, puis oubli progressif. Une culture de l’urgence sans mémoire s’installe, où l’on panse les plaies sans jamais éviter qu’elles ne se rouvrent.
Pourtant, des solutions existent. D’autres pays investissent dans la prévention : cartographie des zones à risque, sensibilisation des populations, systèmes d’alerte performants. Chez nous, ces mesures restent largement insuffisantes. Construire au pied des collines instables, déboiser les terres, ignorer les normes de sécurité, voilà ce qui transforme chaque saison des pluies en menace potentielle.
Le changement ne peut venir que d’une volonté collective. Les autorités ont une responsabilité majeure, mais les citoyens doivent également repenser leurs comportements : acheter des terrains dans des zones à risque, déboiser sans réflexion, ignorer les normes, ce sont autant d’actes qui alimentent la vulnérabilité. La prévention est l’affaire de tous.
À Maneah, l’attente des familles pour retrouver un disparu est sans doute l’épreuve la plus douloureuse. La dignité des victimes passe par la reconnaissance de leurs noms et de leurs histoires, et non par des chiffres anonymes dans un communiqué. La justice après une catastrophe, c’est aussi cela.
Si nous laissons le silence et l’oubli reprendre leurs droits, les morts de Maneah ne seront qu’une tragédie de plus dans une longue série. Mais si nous tirons les leçons de ce drame, nous pouvons amorcer une véritable prise de conscience collective et bâtir des sociétés capables de protéger leurs habitants. Ce n’est pas seulement une question d’infrastructures ou de lois , c’est une manière de vivre, de regarder nos enfants et de décider si nous voulons continuer à compter les corps ou à protéger les vivants.
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