À Kankan, au cœur de la Haute Guinée, la poussière rouge raconte mille histoires. Celle de Moussa Sidibé se distingue : un jeune homme au parcours atypique, passé des bancs de l’école franco-arabe à l’univers des chantiers modernes. Là où beaucoup auraient choisi le confort d’une voie religieuse, lui a préféré bâtir, repeindre et électrifier.
De cette audace est née M.B.S Moussa Bâtiment Solution, une entreprise devenue en peu de temps un symbole d’initiative et de fierté locale.
Selon les données récentes de l’Organisation internationale du travail (OIT, 2024), près d’un jeune sur deux en Guinée est sans emploi stable. Le taux de chômage et de sous-emploi des 18-35 ans flirte avec 47 %, une réalité qui freine les ambitions et alimente parfois la tentation du départ. Mais Moussa Sidibé, lui, a choisi de rester. De créer. Et surtout, de prouver que l’avenir se construit à la sueur des mains, non à l’ombre des regrets.
“Je voulais montrer qu’un diplômé franco-arabe pouvait aussi diriger un chantier, manier la peinture et l’électricité”, confie-t-il, les yeux fixés sur la façade d’un immeuble fraîchement repeint.
Une phrase simple, mais lourde de sens dans un pays où le parcours franco-arabe débouche rarement sur l’entrepreneuriat. Et pourtant, son entreprise a décroché l’un des plus grands contrats de la région : la peinture intégrale du nouveau siège régional de l’ANAFIC à Kankan, une institution clé du développement local.
Ce projet, d’une valeur estimée à plusieurs centaines de millions de francs guinéens, a marqué un tournant discret mais symbolique : celui de la reconnaissance d’une jeunesse qui ne demande plus la permission d’exister, mais la chance de prouver.
Dans ses ateliers, entre pots de peinture et câbles électriques, Moussa emploie aujourd’hui une dizaine de jeunes artisans. “Ils ne sont pas seulement mes employés”, dit-il avec un sourire. “Ils sont la preuve vivante que nos rêves tiennent debout dès qu’on ose les peindre.”
À travers son parcours, c’est toute une génération qui se regarde différemment. Celle qui refuse de se définir par les chiffres du chômage, mais par les traces de ses pas sur le sol rouge de Guinée.
Et au coucher du soleil, lorsque les couleurs du ciel se mêlent à celles de ses murs fraîchement peints, Moussa Sidibé ne dit rien. Il sait simplement qu’au bout de son pinceau, il tient bien plus qu’un métier, il tient la dignité retrouvée d’une jeunesse qui construit encore, malgré tout.
Djoumè Sacko pour www.lavoixdupeuple.info