L’Île de Gorée est située au large des côtes du Sénégal, en face de Dakar. Gorée a été du XVe au XIXe siècle, le plus grand centre de commerce d’esclaves de la côte africaine. Ce vendredi, notre reporter a effectué une visite de ce côté, le constat révèle qu’il y a eu un traitement inhumain.
Lisez la narration de notre guide, Mohamed Sy, un jeune d’une vingtaine d’années, mais qui maîtrise parfaitement les cellules de cette maison. « Bien venu à Gorée. Alors ça c’est la dernière maison des esclaves de Gorée que le peuple sénégalais a su sauvegarder pour rappeler à tout Africain qu’une partie de lui-même a transité par ce capital de souffrance et de larmes. Donc, auparavant, toute une famille s’est rencontrée ici. Malheureusement, la séparation était totale, dont le père pourrait être vendu aux Etats-Unis, la mère au Brésil, l’enfant en Haïti. A l’époque, la valeur de l’homme dépendait de son poids, minimum 60 kilogrammes ; la valeur de la femme de la fermeté des seins et la valeur de l’enfant de sa dentition est d’un faux état civil. Là, vous avez trois cellules alignées de ce côté et deux de l’autre côté. Ça fait cinq cellules pour les hommes. Chaque cellule, ils y mettaient 15 à 20 esclaves. Ils pouvaient sortir une seule fois pour aller aux toilettes ; s‘ils voulaient y retourner, malheureusement, ils ne pouvaient pas, ils étaient forcés de le faire sur place. Ce qui a fait l’apparition de plusieurs maladies comme la peste » a-t-il expliqué.
A l’Est de l’intérieur de la maison, Mohamed Sy nous montre la cellule des enfants en disant : « Voilà, donc là c’était les enfants. Le taux de mortalité le plus élevé dans cette maison était enregistré à l’intérieur de cette cellule. Parce que les enfants, ils étaient à même le sol, torches nues, enchaînés des pieds, des mains et même le cou. Donc, si par malheur la dentition n’était pas bonne, ils étaient inaptes. Ils restaient à Gorée et devenaient esclaves maçons. Le temps de construire les bâtiments de l’île, ils allaient grandir et avoir le poids minimum, comme un homme pour être déporté aux Etats-Unis. Là, c’était les jeunes filles. A l’époque, la valeur de la jeune fille dépendait de sa virginité. Auparavant, en Afrique, une fille avec les seins pointus et fermes était considérée comme vierge. Mais pourquoi la virginité ?
Les Européens traversaient tout l’océan Atlantique sans leurs femmes. Venir jusqu’ici comme cadeau, il les donnait ces jeunes filles là. Mais pour eux, ce n’était pas un viol, parce qu’ils proposaient à la fille, si elle voulait être libre, il fallait qu’elle soit en concubine avec le colon et qu’elle soit enceinte.
Mais le pire, c’est qu’une fois enceinte, ils n’entendaient pas les neuf mois de l’accouchement. Ça veut dire qu’à cinq mois, ils creusaient un trou, ils mettaient son ventre, et la fille recevait 29 coups de fouet sur le dos pour déclencher l’accouchement. Mais elle survivait à 50%. Le bébé, si c’était un garçon, on l’appelait mulâtre. Si c’était une fille, signore. Et c’est la seule cellule auparavant qui avait des toilettes sur place. Les jeunes filles épargnaient des chaînes parce qu’elles devenaient des piles légères. Là, c’était les hommes qui pèsaient moins de 60 kilos, les inaptes temporaires. C’est là où ils les engraissaient pendant trois mois, voire trois mois et demi, avec l’haricot de chez nous appelé le niébé, mélangé avec l’huile de palme, pour la force et la résistance. Les récalcitrants, les esclaves rebelles étaient dans cette petite cellule. Ici, les gardes s’en foutaient du nombre. Donc, leur seule préoccupation était de pouvoir refermer la porte.
Nelson Mandela, un an après sa libération en 1991, est venu visiter cette île. Arrivé devant cette porte, malgré le protocole de sécurité qui lui interdit de rentrer, il a quand même forcé. Parce qu’il est un récalcitrant. Alors cinq minutes accroupies dedans, il est ressorti des larmes aux yeux. La presse a demandé pourquoi. Il a dit qu’en cinq minutes, il s’est rappelé de ses 27 ans de prison à Rubens Island. Donc, là c’était les hommes, de ce côté les femmes. A peu près combien ici d’hommes ? Le nombre n’était pas important, il fallait juste que la porte se referme. Donc là c’était aussi les récalcitrants. Mais ceux qui étaient ici étaient des hommes forts, robustes et lancés. Ils venaient du Nigéria, les Yorubas. Ils étaient des costauds. Donc eux, c’était des éléments géniteurs. Eux, leur travail, c’était quoi ? Parce que de ce côté, il y avaient des femmes non vierges. Et à l’époque, la valeur d’une femme non-vierge était de 2 litres d’alcool. Alors au lieu de la vendre directement, il les mixait avec ses hommes, dits éléments géniteurs, pour faire la procréation, la reproduction. Beaucoup de bras valides qui allaient devenir de bons esclaves. Maintenant, à l’intérieur de cette cellule, ils ont rejeté une cuvette d’eau. L’eau, le symbole de la femme. Parce qu’il y a des afro-américains qui font des tests et qui savent l’origine. Donc, ils viennent pour faire des méditations 2 à 3 minutes » ajoute-t-il.
A la fin de la visite de la maison des esclaves, il nous montre la ‘’fameuse porte dite du voyage sans retour’’. « Voilà donc la fameuse porte dite du voyage sans retour.
La fameuse. C’est à partir de cette porte là où les esclaves disaient adieu à l’Afrique. Donc, 6 millions mourus de privations et de mauvais traitements, 20 millions déportés. Mais ça, ce n’est qu’une hypothèse très basse, parce que si même vous, vous faites le calcul. Parce que si dans chaque maison 20 millions partaient, c’est plus de 100 à 200 millions de Noirs et durant 400 ans. Donc malades, abominés, morts, blessés étaient immédiatement balancés à l’eau et les requins les dévoraient.
Parce qu’ils ne pouvaient pas aller loin. Ils avaient un boulet de 10,3 kg attaché aux pieds. D’après la légende, le pape Jean-Paul II est venu visiter cette île en 1992. Arrivé devant cette porte, il a eu le courage d’implorer le pardon au nom de l’église catholique. Oui, pour le pardon, mais pour ne jamais oublier. Parce que 400 ans d’humiliation et de souffrance, ce n’est pas oubliable. Là, vous avez deux cellules de part et d’autre, c’était les salles d’attente. Ils leur permettaient de se regarder en face une dernière fois, avant d’être acheminés vers le nouveau monde » a-t-il conclu.
Dakar, Oumar M’Böh de retour à l’Île de Gorée.