Le 5 septembre 2021, la Guinée s’est réveillée autrement. Ce matin-là, à Kaloum, le pont 8 Novembre était bloqué, des hommes en treillis occupaient les carrefours, et le palais Sékhoutouréyah semblait soudain fragile, comme si le temps avait choisi de se retourner contre lui. Pr Alpha Condé, celui qui avait passé quarante ans à lutter contre les dictatures, se retrouvait arrêté, entouré de soldats venus de Kalako. Les images ont fait le tour du monde : chemise déboutonnée, casque anti-balles, véhicule blindé… un président emporté par l’histoire en direct, sous le regard de ses concitoyens.
Quatre ans plus tard, que retenir de ce matin qui a changé tant de choses ? Il y a d’abord la force de ce moment : en quelques heures, un ordre ancien s’est effondré. Les forces spéciales ont montré une organisation, une précision et un courage qui forcent le respect. C’est un rappel brutal que l’histoire peut basculer en un instant, que les certitudes d’hier ne suffisent jamais à prévoir demain. Et cette capacité à surprendre, cette énergie, c’est peut-être la leçon la plus importante pour la jeunesse guinéenne : le pays peut changer, et parfois vite.
Mais quatre ans après, la réalité est complexe. Certaines choses vont mieux. Des jeunes se sont emparés de nouvelles responsabilités, des initiatives locales voient le jour, et des projets dans l’éducation et l’emploi commencent à montrer des résultats. Les écoles et universités bougent, quelques entreprises se développent, et un sentiment de possibilité renaît, timide mais réel. C’est loin d’être parfait, mais c’est là, et il faut le reconnaître.
En même temps, beaucoup reste à faire. Le quotidien reste difficile pour beaucoup de Guinéens. Les prix grimpent, l’accès à l’emploi pour la jeunesse est encore limité, et les libertés politiques sont parfois restreintes. Certains espoirs de transition rapide se sont heurtés à la lenteur des réformes et aux décisions contradictoires. Les arrestations et restrictions sur les manifestations rappellent que le chemin vers un État démocratique solide est encore long. Les promesses de changement ne se sont pas toutes concrétisées, et cette part de désillusion ne peut être ignorée.
Ce mélange est fascinant. La Guinée avance par éclats, avec des succès fragiles et des échecs visibles. On voit des jeunes investir des postes, prendre des initiatives, créer des projets innovants, mais ces avancées coexistent avec des obstacles persistants, une économie qui peine à répondre aux besoins et un système politique qui reste fragile. C’est exactement cette tension qui rend l’histoire intéressante : elle n’est ni toute noire ni toute blanche, elle est vivante.
Le vrai enjeu, aujourd’hui, ce n’est plus de savoir qui détient le pouvoir ou qui l’a détenu ce matin-là. C’est de voir comment chaque Guinéen, chaque jeune, peut transformer ce mélange de progrès et de désillusions en quelque chose de concret. L’avenir ne dépendra pas des armes, des palais ou des promesses, mais de la capacité des citoyens à agir, à s’impliquer et à construire. Il y a eu des erreurs, des frustrations, mais aussi des jeunes qui ont pris leurs responsabilités, qui ont travaillé et tenté de faire bouger les choses, et c’est là que réside le vrai potentiel.
Le 5 septembre 2021 restera gravé dans la mémoire collective, mais pas comme un simple événement militaire. C’est un moment qui rappelle que la Guinée est un pays en mouvement, capable de surprises, de renversements et de créativité. Les prochains chapitres de son histoire dépendront de ceux qui, dans les quartiers, les écoles, les entreprises et les administrations, auront le courage de transformer l’énergie du changement en actions durables. Et dans ce mélange de réussites fragiles et d’inachevés, il y a l’histoire de tous les Guinéens qui veulent un avenir plus juste, plus ouvert et plus vivant.
La devise guinéenne, il faut le rappeler c’est Travail-Justice-Solidarité. Travaillons honnêtement, soyons justes et solidaires. Surtout, rêvons Grand pour des changements positifs durables et rentables.
Djoumè SACKO & M’Böh