Le Ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Aménagement du Territoire en collaboration avec celui de l’Agriculture et de l’Elevage ainsi que des partenaires au développement et des organisations de la société civile, lancé le lundi 14 novembre dernier, les Etats Généraux du Foncier ‘’EGF’’ en Guinée.
Après le lancement officiel, la première journée a connu la présentation de certaines thématiques par les professionnels du secteur foncier. Parmi ces thèmes figurait celui relatif au ‘’Résultat de l’analyse du Code Foncier Domanial par la plateforme Multi acteurs’’. Une organisation mise en place depuis 2018, composée des différents ministères clés sectoriels, les organisations de la société civile et le monde de la recherche. Et c’est le juriste Aboubacar Demba Touré qui a l’honneur de faire cette présentation avec brio.
A l’entame il dira que : « Nous avons jugé nécessaire en 2020 de faire une analyse du code foncier domanial et nous avons abouti au document dont je vais vous présenter. Il contient 6 titres, mais ma communication portera essentiellement sur 4 titres. Lors de notre analyse, nous nous sommes aperçus que l’article premier du code foncier domanial est venu mettre fin au monopole foncier de l’État. Il permet depuis 1992 à l’Etat, aux personnes physiques et morales au droit privé d’être propriétaire du sol en Guinée. Et nous, acteurs de la plateforme multi acteurs avons vu cet article d’un caractère très libéral du fait de la possibilité à tous d’être propriétaire des terres sans fixer ni de seuil ni d’autres conditionnalités d’accaparement des terres dans notre pays. Un pays d’une potentialité agricole, en termes de pluviométrie et conditions climatiques favorables en plusieurs types d’activités sans parler de ressources. Donc, cela constitue un sérieux risque. C’est pour cette raison que, la plateforme nationale multi acteurs a fait quatre recommandations : premièrement, elle demande à ce qu’un seuil de superficie soit fixé pour des étrangers qui souhaitent être propriétaires de terres en Guinée, parce que cet article ne fixe aucune limitation, n’importe qui peut venir acheter 1000 hectares et c’est légal. Ensuite, la deuxième recommandation, c’est de conditionner cette acquisition en fonction du type d’investissement que l’intéressé veut réaliser. Car, un investisseur n’a pas forcément besoin de la propriété, mais il a besoin d’un droit d’usage où il se sent en sécurité et deuxièmement, conditionner cela par l’exigence de mise en valeur de ce qu’on appelle aujourd’hui, les rétentions foncières, il y’a certaines personnes qui viennent occuper beaucoup de Superficies dans notre pays, ils cherchent à avoir tous les documents qu’il faut et se font beaucoup d’argent hors de notre pays sans qu’ils ne rendent compte et ceux qui veulent accéder à ces terres dans notre pays, n’ont pas la possibilité et la plateforme a recommandé aussi à conditionner l’accès aux propriétés foncières des étrangers dans notre pays en fonction du seuil de superficie par une autorisation d’un décret du Président de la République » a-t-il recommandé.
L’autre article poursuit le conférencier, c’est l’article 3 qui est le plan foncier. Selon Aboubacar Demba Touré : « Cet article dit que la propriété est constatée sur l’instruction de livret sur le plan foncier et ce plan foncier existe et doit exister sur toutes les collectivités locales, sur l’étendue du territoire de notre pays. Malheureusement, nous avons constaté l’inexistence du titre foncier dans le monde rural…Ces documents existent dans les centres villes, mais il y’a une preuve inexistante de ce document au niveau domanial et que ce plan foncier lorsque nous prenons les caractéristiques qui sont dans le code foncier domanial à travers les fiches individuelles et les fiches partenaires, les utilisateurs de l’outil, dedans il est écrit de faire sortir la situation de l’immeuble, les caractéristiques de la construction, et nous on a estimé que le plan foncier pourra beaucoup plus orienté vers le foncier urbain » a-t-il ajouté.
Par ailleurs, le juriste dit déplorer de la délivrance des actes supposés de propriétés par différents acteurs, de services techniques qui sont impliqués, des élus locaux par endroit parfois des gens qui n’ont pas de postes de responsabilités publics. Mais qui se permettent de signer des documents, des attestations de cessions : « il n’y a pas aujourd’hui un recensement à tous ces documents qui sont dans l’inégalité. La recommandation par rapport à ce point, c’est que la plateforme a demandé d’intégrer la bonne pratique locale des gestions foncières à travers des outils simplifiés adaptés aux besoins, parce que vu le fossé entre le légal et le légitime, il est urgent de mettre un pont aujourd’hui pour éviter de se retrouver dans une situation qui est la nôtre et ensuite, c’est de reconnaître clairement les droits fonciers légitimes des communautés, revoir carrément l’alinéa 3 qui prouve ses conditions qui sont difficilement inébranlables puisque les occupations souvent à l’intérieur du pays où dans le monde rural sont ménagères, familiales sur la question de commission foncière c’est une institution très importante ».
En ce qui concerne les commissions foncières, il dira qu’ : « en République de Guinée, il est créé des commissions foncières dans chaque préfecture et dans les 5 communes de Conakry et ces commissions ont pour mission de constater s’il y’a lieu l’effectivité et la mise en valeur des terrains de concilier les parties ou de donner leur avis lors qu’il y a des opérations d’expropriation pour des utilités publiques de tenter de concilier des parties sur des montants d’indemnités et de donner leurs avis sur des opérations immobilières au niveau de leurs localités » a-t-il rappelé.
Par rapport à la question d’expropriation, Aboubacar Demba Touré indiqué que : « notre code foncier domanial dit qu’il ne peut y avoir d’expropriation pour cause d’utilité publique que lorsque l’intérêt général est constaté et que ça ne peut se faire qu’après une juste et préalable indemnité. Mais qu’est-ce qu’une utilité publique ? » s’interrogea-t-il, avant de dire que : « les directives volontaires de la FAO recommandent à tous les Etats membres de définir clairement la notion d’utilité publique dans leur cadre légal, ce qui n’est pas le cas chez nous ici en Guinée. Donc, il faudrait aller vers cette définition clairement. Il y’a également l’absence de la compensation, la réparation n’est pas que l’indemnisation, ce n’est pas l’argent, au milieu rural les gens ont besoin de terre contre terre parce que c’est leur moyen de survie ; à ce niveau la recommandation qui a été faite, c’est l’adoption d’un texte législatif réglementaire sur les expropriations et d’aller au-delà de l’indemnisation et de prévoir la compensation et la réinstallation » a-t-il suggéré.
Durant leur analyse, ils ont constaté que le seul et principal article du code foncier domanial qui évoque les questions rurales, est l’article 92. Le juriste révèle aussi que : « cet article fait échapper également au code foncier domanial en tout ou en partie ce qu’il convient d’appeler le droit foncier rural, c’est-à-dire les droits relatifs aux terrains destinés à l’agriculture, à la pêche et à l’élevage. Il n’y a pas de textes législatifs sur le foncier agricole et nous estimons que cet article constitue une base juridique, un argumentaire qui pourrait aller vers la prise en compte des spécificités liées à ce secteur dans une loi qui pourrait sortir de ces concertations ; il faudrait aussi réfléchir à l’élaboration d’une politique foncière globale sur le foncier rural » a-t-il recommandé à nouveau.
Aujourd’hui, le constat est que l’Etat est en train de constituer les réserves foncières à travers le pays. Mais pour le conférencier, c’est le comble, parce que : « L’Etat qui est censé gérer tout le territoire est en train de constituer les réserves foncières, ça veut dire que l’Etat est débordé ; il y’a un niveau d’atteinte aux domaines publics de l’Etat à tel point que l’Etat cherche à se racheter. Et cela est arrivé pour moi, un des arguments juridiques que les sanctions prévues dans le code foncier domanial sont dérisoires. Donc, il faudrait partir aujourd’hui vers une réévaluation de ces sanctions à caractère très symboliques. S’agissant du Bureau de la conservation foncière qui devrait être l’unique instance qui est habilitée à délivrer les titres fonciers. Mais nous avons estimé que ces bureaux sont très loin des demandeurs et sont en petit nombre ».
Il a terminé son exposé avec une citation qui dit que : « la façon dont un pays gère son foncier, conditionne, influence et détermine sa vie et le développement de sa population ».
Oumar M’Böh pour www.lavoixdupeuple.info