Libre Opinion : Face à la recrudescence des embouteillages dans la capitale Conakry, il nous est venu à l’idée de revenir sur ce sujet d’actualité qui est devenu le quotidien des habitants de Conakry. Cette analyse trouve son origine dans la situation que nous avons vécu le mardi 03 mai 2022 où nous durâmes dans les embouteillages de 17h à 22h dont 4h entre Bambéto et Cosa (chose qui est tragique). Les embouteillages ont tellement pris le dessus dans la capitale Conakry qu’ils sont devenus une règle. En d’autres termes, une journée sans embouteillages inquiète plus d’un car ce n’est pas dans nos habitudes. En longueur de temps, tu entends des habitants de Conakry exprimés leur joie le lendemain lorsqu’ils parviennent à échapper aux bouchons à la veille.
L’objectif de cette tribune est d’attirer à nouveau l’attention des autorités du pays (quoi que nous soyons dans une phase de transition) sur les véritables enjeux des réformes à entreprendre dans ce domaine afin de pallier à cette problématique dont les effets ne sont pas sans conséquence sur le déroulement de l’activité économique.
D’entrée de jeu, il faut souligner qu’à certaines heures (entre 9h et 10h, à la sortie des classes dès midi ou en fin de journée dès 17h jusque parfois 22h) il est pratiquement impossible de circuler dans la ville de Conakry. A notre humble avis, les problématiques de congestion risquent de s’aggraver de manière exponentielle si rien n’est fait.
Pour faire face à cette situation calamiteuse, bon nombre des guinéens optent pour les motos (moyen très simple de se faufiler entre les véhicules). Elles offrent ainsi une très grande fluidité dans les déplacements contrairement à certains automobilistes qui passent plusieurs heures dans la circulation entrain de suffoquer les gaz d’échappement des véhicules amortis et toxiques en raison du fait que les fenêtres restent ouvertes faute de climatisation.
Des principales causes des embouteillages :
En observant ce phénomène, l’on se rend compte que les embouteillages de Conakry dénombreraient plusieurs facteurs explicatifs parmi lesquels nous pouvons citer entre autres : l’accroissement du parc automobile pour des routes en mauvais état, l’indiscipline des conducteurs et l’incapacité des agents de la police routière à réguler la circulation ainsi que des jeunes du quartier qui se substituent parfois à ces derniers en faisant dans la plupart des cas du mauvais boulot. D’autres déterminants à l’image de la violation des feux nouvellement mis en place ou encore le non-respect des priorités, la transformation de la route en dépotoirs d’ordures ne seront malheureusement pas abordés pour ne pas abuser du temps du lecteur.
D’un trop plein de voitures pour quelques routes très souvent en mauvais état :
Selon la Direction Générale du Bureau de Stratégie et de Développement du Ministère des Transports, il y a 41 083 véhicules immatriculées et en circulation à Conakry dont 34 912 au titre du transport privé contre seulement 5 584 pour le transport public (cf. Annuaire statistique du secteur des transport 2018). Bien que ces chiffres semblent marginaux, ils vont en grandissant chaque jour quoi que non encore mis en ligne depuis 2018 sauf erreur de notre part. L’émergence de la classe moyenne aurait mécaniquement entraîné un doublement du parc automobile entre 2005 (où l’on était à la série K pour les voitures personnelles, 11eme lettre de l’alphabet) et 2015 (fin des 15 autres lettres de l’alphabet et recommencement des séries Z puis A). Ce qui n’est pas sans incidence sur la situation que nous vivons aujourd’hui dans la capitale Conakry.
A cela s’ajoute le mauvais état dans lequel nos routes se trouvent. Si la circulation est en train de tourner au cauchemar, c’est aussi parce que les infrastructures et les solutions de mobilité ne suivent pas le développement du pays. Nul besoin d’être un expert pour se rendre compte que l’Etat prend des décisions d’investissements sans que cela n’obéisse à un calcul économique rationnel lui permettant d’amortir les sommes engagées le moment venu et de faire ainsi face à la détérioration des routes en raison de l’usage.
De l’indiscipline :
L’indiscipline est la première cause des embouteillages que nous connaissons à Conakry. Chacun croit avoir raison et personne ne cède le passage à l’autre. Personne ne respecte la priorité, et, tout le monde force le passage. Chacun se fait passer pour le plus pressé et le plus important. C’est pourquoi nous interrogeons souvent à notre for intérieur sur les raisons de cette précipitation dont certains guinéens font preuve car, l’on ne voit aucune avancée économique ne serait-ce qu’au regard des autres pays de la sous-région. En d’autres termes, nous voulons juste dire par là que les gens se précipitent dans la plupart des cas pour juste sortir des embouteillages car en fin du compte, peu d’entre eux travaillent réellement pour le bien-être du pays.
De plus, en plein bouchons tu vois des sirènes des véhicules accompagnant parfois les personnes les moins importantes de la République avec des véhicules de policiers ou des motards à l’avant en train de forcer le passage et ainsi ouvrir la pagaille à d’autres usagers impatients. Résultat des courses, personne n’avance.
Parfois, l’on passe au niveau des carrefours/ronds-points objet des embouteillages, sans même voir les principales causes qui font que tout le monde restait cloisonné en un même endroit.
Des agents de la circulation qui au lieu de résoudre les problèmes en multiplient :
Face à la faiblesse des revenus et l’extrême pauvreté (44% des guinéens en 2019 selon le site de l’Institut National des Statistiques. Quant à la pauvreté multidimensionnelle, elle touche 66,2% de la population soit 8,220 milliers de personnes en particulier les femmes et les enfants cf. Rapport sur le développement humain 2020.), la plupart des agents de la circulation routière n’assument pas pleinement leur responsabilité qui consiste à la régulation du trafic routier.
Certains d’entre eux s’occupent à verbaliser les conducteurs et parfois même sans infraction. D’autres à l’image de ceux de la T6 se sont transformés en des mendiants à chaque fois que l’occasion se présente. A travers cette pratique, ils créent non seulement les embouteillages mais aussi et surtout, ils ne réagissent que lorsqu’une personnalité se retrouve dans la file d’attente.
Les pires c’est aussi les jeunes engagés d’eux-mêmes comme agent de sécurité (qui n’ont vraiment pas de formation dans le domaine) et qui se retrouvent à réguler la circulation à la place de policiers. Ces derniers mélangent très souvent les pédales en donnant la priorité à une file de voitures au détriment d’une autre qui reste longtemps arrêtée au même point sans bouger. Une telle situation démultiplie les embouteillages.
Quelques conséquences des embouteillages :
Les embouteillages peuvent occasionner plusieurs conséquences parmi lesquelles nous pouvons citer : la baisse de la productivité de l’économie, la réduction du temps du travail, l’augmentation du coût du transport mais aussi et surtout, les coûts liés au gaspillage du temps et du carburant qui seraient bien mieux employés ailleurs.
Pour échapper aux bouchons et éviter les retards qui peuvent engendrer de mesures disciplinaires pour les travailleurs ou des rendez-vous manqués, la plupart des gens (en particulier ceux qui vivent loin de leur lieu de travail) quittent leur maison à 5 heures du matin. Malheureusement, certaines de ces personnes finissent par être victime de brigandage, voir même de tueries par des criminels dangereux.
Tout ceci occasionne le risque d’absentéisme et le retard au travail. Ce qui participe à la réduction du volume du travail indépendamment de la volonté des employés. Pour répondre à cette situation critique dont les enjeux sont importants, des solutions adéquates devront être mise en œuvre.
Quelques Pistes de solution :
L’argumentation selon laquelle le parc roulant, le surpeuplement, la transformation des routes en dépotoirs d’ordures, et l’indiscipline pour ne citer que ceux-là, ne sont pas les seuls responsables de la dégradation des conditions de circulation. Nous ne saurons toutefois terminer cette analyse sans pour autant prétendre apporter quelques pistes de solutions. Au nombre de ses solutions nous proposons les points ci-dessous :
Instaurer le partenariat public-privé : cette idée a été expérimentée à Dakar à travers la construction de l’autoroute à péage. Les retombées sont extrêmement importantes pour l’Etat sénégalais et les usagers y trouvent leur compte. A titre d’illustration, la durée du trajet a été réduite de 80% pour une durée minimale de 3h auparavant dans les bouchons. La mise en place d’une telle stratégie consistera pour un début à identifier le trajet par lequel passera la route, assurer le déplacement de la population en leur mettant à disposition des terrains de même surface et de même valeur. Cela permettra à moyen et long terme d’améliorer la mobilité des personnes et des biens à Conakry et à l’intérieur du pays, accroitre le gain du temps et la réduction des coûts de transports.
Assurer le développement des transports en commun et covoiturage : l’expérience a démontré que l’utilisation de ces modes de transports prennent moins de temps que l’on puisse imaginer si l’on met de côté le temps d’arrêt à certains stops pour prendre des passagers. S’agissant du covoiturage, c’est un mode transport qui peut être utilisé par les travailleurs qui empruntent le même itinéraire. C’est non seulement un moyen qui permet d’économiser sur les frais de déplacements mais aussi, il donne un côté social très agréable avec les échanges en cours de route.
Désengorger Conakry : en créant une nouvelle ville à l’image de Diamniadio ou en développant les villes existantes l’on réduira ce trafic pendulaire où tout le monde descend à Kaloum le matin et remonte dans la banlieue le soir.
Continuer à installer les panneaux de signalisation : à notre avis, cette mesure n’aura de succès que si l’on parvient à éduquer/sensibiliser les conducteurs sur les bonnes pratiques de conduite via des spots publicitaires, dans le but d’instaurer la culture de conduite chez la plupart des guinéens. Une telle mesure devra permettre de respecter les règles essentielles du code de la route qui consiste à : signaler son changement de voie avec les clignotants, ralentir à proximité des passages piétons, vérifier l’angle mort pour les dépassements, stationner dans les zones autorisées et enfin, respecter les priorités…
Safayiou DIALLO, Citoyen guinéen