La Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF) continue de recevoir des dossiers liés aux détournements de deniers publics, à la privatisation des biens de l’État par les régimes précédents. Parmi ces dossiers figure le dossier relatif à la vente de l’avion ‘’Air Guinée’’. Une vente intervenue alors que l’actuel ‘’principal’’ opposant, Cellou Dalein Diallo était le ministre des Transports sous le régime de feu général Lansana Conté. Ce samedi 5 février 2022, devant les militants et sympathisants de sa formation politique réunis en assemblée générale hebdomadaire, il a déclaré être heureux du transfert du dossier à la justice.
Dans son speech, il raconté les circonstances de la vente de la compagnie Air Guinée à Elhadj Mamadou Sylla, à l’époque homme d’affaires guinéen et actuel président du parti Union Démocratique de Guinée ‘’UDG’’.
Voici sa déclaration : « Un parti d’opposition qui gagne au 1er tour de l’élection présidentielle et qui ne fait que se renforcer ne peut que susciter la jalousie, hélas! la haine et le dénigrement. C’est pourquoi il y a les mains noires dont on a parlé qui cherchent à nuire à la réputation du candidat de l’ANAD et de l’UFDG en l’associant à des dossiers supposés sulfureux. « C’est eux qui ont privatisé Air Guinée, Fria, tel et tel dossier ». Mais cela n’est pas nouveau pour vous. A chaque changement de régime, lorsque les gens regardent la force de l’UFDG ils ont envie de nuire à la réputation de son président. Mais je suis heureux aujourd’hui qu’on dise que ce dossier est transmis à la justice parce que je ne reproche de rien. Mes collaborateurs sont là. Tous ceux qui ont collaboré avec moi dans ma carrière administrative, à la Banque centrale, aux Grands projets, dans les différents ministères, ils ont du respect pour moi. Je ne suis pas un homme d’argent. Je suis un homme d’honneur. Et si vous voyaient qu’ils me suivent tous ici c’est parce qu’ils ont confiance [en moi] et ils considèrent que c’est une chance pour la Guinée. Ils savent sur quelle base j’arbitre, je décide. Ce n’est ni sur la base de l’ethnie. Je ne suis pas un homme d’argent. On est tous fiers de la gestion qu’on a faite pendant qu’on était aux affaires. Alors ils ont dit Air Guinée, d’accord, très bien, parce qu’à chaque échéance électorale importante, à chaque changement de régime, on vous sort ça. On dit que c’est eux qui ont fait ça. Mais il n’y a rien. Les régimes qui se sont succédé cherchaient des ardoises contre moi. Vous ne pouvez pas soupçonner Alpha Condé de complicité ou de complaisance avec moi. Ils ont regardé tous ces dossiers pour essayer de trouver s’ils pouvaient salir davantage la réputation de Cellou pour le disqualifier définitivement dans la lutte politique. C’est impossible. Je vous le garantis. Je n’ai pas besoin de me défendre, je me réjouis. Je n’aime pas avoir l’air de me défendre. Vous savez, à l’avènement du CMRN, les partenaires au développement, notamment les institutions de Breton Wood, ont demandé de privatiser toutes les entreprises publiques. [C’était] privatiser ou fermer. On a commencé en 1988 pour Air Guinée. La compagnie avait trois avions neufs. Un Boeing 707, un 727 et un 737. Ils ont dit qu’il faut revendre les avions et fermer Air Guinée ou la privatiser. En 1988 je n’étais qu’un simple fonctionnaire à la Banque centrale, mais je suivais le processus. Ils ont revendu le 707 et le 727. Ils ont dit qu’il faut laisser le 737 pour les voyages du Président. On n’a pas achevé la privatisation. Donc l’avion est resté là avec 500 personnes qui travaillent et qui doivent être payés aussi par la compagnie. C’était à la fois l’avion présidentiel, parce qu’il voyageait avec, et lorsqu’il n’était pas là, il n’y a pas de transport. Les déficits se sont accumulés, les subventions ont augmenté. Le Fonds (FMI, ndlr) et la Banque mondiale sont revenus à la charge pour dire qu’il faut liquider Air Guinée et laisser l’avion au Président ou il faut chercher un partenaire pour avoir une compagnie de taille moyenne. C’est ce qui a été accepté. Le dossier a été préparé et soumis au Conseil des ministres qui a approuvé la privatisation de Air Guinée. Le ministre des Finances a demandé à la Banque mondiale une assistance technique, parce que c’est le ministre des Finances qui est chargé de la privatisation. C’est lui le ministre en charge du portefeuille de l’État. La Banque mondiale lui a envoyé une société qui s’appelle Aéro-Synergie, puisque j’étais ministre des Transports. L’expert était là en train de rédiger le cahier des charges et le dossier d’appel d’offres lorsque le Président Conté a décidé qu’il ne fallait plus vendre parce que les deux autres avions étaient vendus au Nigeria. Il a dit que si le 737 doit être vendu il faut le vendre à Mamadou Sylla. A l’époque je ne parlais pas à Mamadou Sylla. Il y avait une animosité extraordinaire entre nous. Le Président m’a appelé pour me dire qu’on est en train de vendre son avion. Je lui ai dit qu le Conseil des ministres a décidé et que la Banque mondiale a envoyé l’expert qui est en train de rédiger le cahier des charges. Il a dit qu’il faut arrêter, demandant si c’est la banque qui a acheté l’avion. Il a ensuite dit qu’il est d’accord pour la vente, mais de le vendre à un Guinéen. Je lui ai dit que ce n’est pas moi qui suis chargé de la privatisation et qu’il y a un ministère chargé de cette question, c’est le ministère de l’Économie et des Finances au sein duquel il y a une unité de privatisation qui, à l’époque, était dirigée par Ibrahima Camara. A ma sortie, j’ai dit à Cheick qu’il risque d’avoir des problèmes avec la Banque mondiale et le FMI parce qu’il leur a demandé un expert ils l’ont envoyé, il est en train de finir son travail, mais le Président veut remettre Air Guinée à Mamadou Sylla. Je lui ai dit de se lever sinon il va avoir des problèmes de crédibilité avec le FMI et la Banque mondiale. Il a essayé, mais le Président était catégorique. C’est son avion de commandement, il ne faut pas l’oublier. Il a décidé qu’il fallait le vendre à Mamadou Sylla. A partir de là c’est le rôle du ministre de l’Économie et des Finances. Le Président a pris un décret pour liquider Air Guinée et demander de vendre les actifs fins à la Elhadj Mamadou Sylla. Dans le décret il est dit que le ministre de l’Économie et des Finances et le ministre des Transports sont chargés, chacun en ce qui le concerne, à l’application du présent décret. Ce décret existe. En matière de transport c’est le ministère des Transports qui gère les droits de trafic du pays, c’est-à-dire seul le ministère des Transports peut autoriser une compagnie de faire la liaison avec le Sénégal, avec la Sierra Leone ou avec la France. C’est ce qu’on appelle les droits de trafic.
Après ils ont négocié là-bas, ils ont fixé le pris là-bas, il a payé je ne sais pas combien. On m’a dit que l’avion c’était 4 millions de dollars, c’est ce qui était écrit. Quatre millions de dollars pour un point qui a 20 ans à l’époque, c’était raisonnable sur internet. Et il a payé combien? Ça c’est le rôle du ministère des Finances et du Trésor. Nous n’avons pas envoyé de commission dans la liquidation. Il n’y a pas eu de commission, mais je pense que l’opération a été relativement bien menée. Je ne sais pas qu’est-ce qu’on a fait des paiements ou s’il y a eu paiement. Maintenant, la convention qui comportait des dispositions relatives au transfert des droits de trafic de Air Guinée à Air Guinée Express, je l’ai signée. Il y a eu beaucoup de problèmes entre le Président et moi pour ça parce qu’il pensait que mon opposition à la vente de l’avion a Mamadou Sylla est due au fait que j’étais en conflit ouvert avec lui. C’était connu de tous les Guinéens. Je lui ai dit non, mais c’est parce que des engagements avaient été pris. Je ne vais pas revenir sur tout, mais je voulais juste vous rassurer que je ne m’étais pas sali quand j’étais aux affaires. Tous mes collaborateurs sont là. La manière dont on a travaillé, c’était était héroïque dans le contexte. C’était extraordinaire. »
Ibrahima Diallo