Les zones humides de Guinée se meurent à une vitesse alarmante. Des mangroves ravagées en Basse Côte aux lacs asphyxiés par les machines de dragage, en passant par les marais transformés en fours à briques en Haute Guinée, le constat est sans appel : l’écosystème le plus vital pour la survie humaine est en voie de disparition. Et cette disparition ne se fait pas en silence : elle est orchestrée, tolérée, parfois même encouragée, au nom d’une croissance sans conscience.
Rivières, lacs, marécages, oasis, mangroves, rizières… Ces milieux abritent la plus grande diversité biologique connue, fournissent l’eau douce essentielle à l’humanité et jouent un rôle déterminant dans la régulation du climat. Mais en Guinée, leur rôle semble réduit à celui de ressources à exploiter jusqu’à l’épuisement. Entre les camions de sable, les tronçonneuses, les fours artisanaux et les bulldozers, les zones humides sont livrées à une agonie méthodique, quasi institutionnalisée.
Pourtant, les chiffres sont clairs : les zones humides disparaissent aujourd’hui plus rapidement que les forêts. Les températures anormalement élevées même en saison des pluies, les pics de chaleur étouffants et la baisse visible de l’humidité ambiante sont autant de signaux que le dérèglement est en marche. Les spécialistes environnementaux alertent, les ONG tirent la sonnette d’alarme, mais l’État semble marcher à reculons.
Les rares efforts entrepris, comme les campagnes de reboisement organisées chaque mois de juillet peinent à compenser les pertes. Leur efficacité est entamée par un manque criard de suivi, une législation trop molle, et une sensibilisation quasi inexistante auprès du grand public. La protection des zones humides ne se résume pas à planter quelques arbres, encore faut-il que l’arbre survive, que la loi soit appliquée, et que la société comprenne ce qu’elle est en train de perdre.
Dans un pays où l’eau douce pourrait devenir plus rare que l’or, la disparition des zones humides est une tragédie en construction. Comme le résume un vieux pêcheur de Koba, regard perdu sur une mangrove dévastée :
« Quand l’eau s’en va, la vie part avec elle. Mais personne ne semble pressé de la retenir. »
Mamadou Saliou Sow