L’ancien Gouverneur de l’île de Ngazidja de la Grande Comores, de 2011 à 2016 et devenu homme politique, Mouigni Baraka Saïd Soilihi a accordé une interview exclusive à la rédaction du site internet www.lavoixdupeuple.info. A cette occasion, il est revenu sur la situation socio-politique des îles de Comores sous le magistère du Président Azali Assoumani, ses ambitions politiques et du projet de société qu’il compte offrir aux comoriens, s’il est élu président en 2024, même s’il n’a pas officialisé sa candidature bien qu’il est pré-campagne.
L’ancien douanier affirme également qu’il ne quittera pas son pays comme certains opposants ni peur d’être arrêté par les autorités.
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www.lavoixdupeuple.info : Bonsoir monsieur Mouigni Baraka Saïd Soilihi, les élections présidentielles ici aux îles Comores seront organisées en janvier 2024, serez-vous candidats à ces prochaines élections, ou pas ?
Mouigni Baraka Saïd Soilihi : Bonsoir monsieur le journaliste. J’étais candidat en 2016, et j’étais candidat en 2019. Et en 2016, je faisais partie des trois premiers dont j’étais deuxième aux primaires où l’actuel Président Azali était en troisième position. En 2019, vous savez ce qui s’est passé. Il n’y a pas eu d’élection, il y a eu un hold up électoral. Pour le moment, je dirais que je suis en pré-campagne, mais je ne peux pas me prononcer tant que le bureau politique du parti n’a pas encore donné son dernier mot.
Si vous êtes choisis candidats du parti, quels sont les moyens dont vous disposez pour gagner les prochaines élections ?
Il y a deux choses : d’abord il y a les moyens financiers qui viennent des partenaires et des militants. Donc, je ne doute pas de ce niveau. Ensuite, il y a des moyens humains à ce niveau aussi, je pense qu’on se mobilise conséquemment. Dieu merci, les gens se rappellent beaucoup plus du positif que j’ai eu à faire pendant que j’étais aux affaires, donc, il y a un espoir. Au niveau de la sécurité des élections, j’ai accepté lorsqu’on mettait en place ce qu’on appelle le cadre de concertation. Une équipe aujourd’hui qui représente l’opposition et le pouvoir, il y a des représentants qui sont là, ils suivent ensemble le processus électoral. Il faudrait que la population accepte que ça soit une question qui est uniquement pour les comoriens et seulement les comoriens qui vont pouvoir sécuriser les élections. Le président Azali va essayer de tricher, comme il l’a fait en 2019. Donc, c’est à la population de se mobiliser pour sécuriser les élections afin d’empêcher toute tricherie. Moi, je ne vois pas la communauté internationale, mais plutôt le peuple comorien. C’est pourquoi, je suis rentré en pré-campagne pour conscientiser les comoriens en disant que c’est une affaire de comoriens et à eux de sécuriser les élections et de choisir leur Président qui va diriger le pays.
Aujourd’hui quelle est l’état de gestion du pays avec le régime d’Azali et quelle est la situation socio-politique de Comores ?
Très chaotique et très catastrophique. Parce que la gestion est devenue une affaire de famille, ce n’est même pas une question d’équipe. Certains ministres ne savent même pas ce qui se passe, car toutes affaires sont gérées par Azali, son fils et une petite équipe de famille. Et en plus de cela, une équipe de l’armée qui le soutien ; l’esprit d’Azali aujourd’hui est de s’éterniser au pouvoir et peut être passer la main à son fils, voila son plan.
Qu’est ce qu’il faut pour changer ce plan ?
C’est de réveiller le peuple comorien ; il faut que le peuple se rende compte pour que tout ce qu’il est en train de faire, c’est pour son intérêt et non celui du peuple
Quel est votre projet de société à l’endroit des comoriens où tout est urgent en même temps ?
Je pense qu’il y a beaucoup de choses à faire dans ce pays. Moi je vais vous dire tout simplement aujourd’hui que le pays est déchiré depuis que Azali Assoumani est au pouvoir. Vous savez que bon nombre d’autorités politiques ont quitté le pays, d’autres sont en prison environ16 à 17 personnes. Alors dans la situation où nous vivons il y a la peur, il y a de la dictature. Alors qu’est-ce qu’il Il faut ramener la paix, réconcilier les comoriens. Moi, je vois en premier lieu la réconciliation nationale.
En quoi faisant pour une réconciliation nationale ?
En organisant une table ronde où les comoriens (toutes les forces politiques comoriennes, les acteurs de la société civile, etc.) vont tous se retrouver et se parler dans la sincérité. Aujourd’hui, comme vous l’avez vu, il y a des jeunes en France et beaucoup de pays étrangers notamment des pays africains qui aspirent à la politique et qui ont des projets de société pour ce pays. Ensuite, passer à une réforme constitutionnelle, le débat qui a commencé en 2018, Azali a fait une constitution qui est propre à lui, donc qui ne répond pas aux aspirations du Peuple. Mais, il y a un sujet qui est très important, cette question de lutte contre la corruption, car notre pays est aujourd’hui est classé dixième(10ème) au niveau mondial des pays les plus corrompus au monde. Alors comment pouvez-vous comprendre qu’un pays qui est dixième sur le plan mondial souhaite attirer des investisseurs, c’est impossible ?
Quels sont les secteurs dans lesquels il y’a de la corruption ?
Je vais commencer d’abord par la justice. Vous savez que nous avons une justice où aucun citoyen n’a confiance à cette justice. Et ensuite, les biens de l’Etat, les biens du pays, ils sont détournés par ci par là, par les autorités à leur tête Azali Assoumani. Et le 5 novembre 2023, notre parti va dévoiler les secteurs où, il y’a de la corruption tout en présentant son candidat aux élections prochaines. Et j’espère que les militants et sympathisants vont renouveler leur confiance à ma modeste personne, et que les Comoriens vont m’élire Président de notre pays.
Vous avez dit que certains leaders politiques sont en prison, est ce que vous avez peur ?
Ils ont attenté à ma vie en 2020, c’est Dieu qui m’a sauvé. Mais j’ai confiance en mon pays, alors avoir peur ? peut-être mais je suis là. C’est chez moi. Je n’ai jamais quitté le pays, donc je suis là. Je n’ai pas peur de sorte que j’envisage de quitter le pays, j’ai peur pour le peuple comorien mais pas pour moi.
Vous avez dit que certains hommes politiques ont fui le pays, environ 17 personnes sont encore en prison et vous vous êtes libres, est ce que vous ne roulez pas pour le président Azali, c’est-à-dire être un opposant mais qui est allié à l’actuel président ?
Comment est-ce que je peux être un allié du Président. Vous savez que quand je suis là, je n’ai pas à cacher quelque chose. Si je voulais le soutenir, on était trois aux dernières élections et je n’ai pas choisi d’être avec lui. Et d’ailleurs pour quel intérêt puisse être avec lui ? quel intérêt ? je n’ai pas peur de lui, je n’ai pas peur de son armée, je n’ai peur de rien.
Mais l’armée comorienne, c’est l’armée du peuple quand même ?
Voila. Et aujourd’hui, le régime d’Azali, c’est un régime de famille et comment voulez vous qu’un politique épouse une telle démarche ? au-delà de la dictature, le pouvoir c’est Azali, c’est son fils et peut être sa femme.
Sa femme occupe quel poste dans le gouvernement ?
Elle est la première dame.
Et son fils ?
Il est le conseiller. Mais tout passe par ces deux personnes là.
Aujourd’hui certains jeunes se mobilisent derrière vous, comme étant leur espoir. Quelle est la garantie que vous donnez à ces jeunes ?
Quand j’étais Gouverneur, je dirais que plus de 80% de l’équipe qui m’entourait étaient des jeunes. Et d’ailleurs aujourd’hui vous pouvez le voir parce que dans toutes les administrations, vous verrez que c’est toujours des jeunes qui ont travaillé avec moi et qui sont dans des postes de responsabilités actuellement sont des jeunes. Donc, la garantie que je donne aux jeunes c’est que moi-même je ne me considère pas vieux, j’ai à peine 56 ans je pense que c’est la garantie. C’est déjà une garantie pour eux. Lorsque nous serons au sommet de l’Etat, tout ce que nous sommes en train de dire en ce moment, on va essayer de mettre ça en application Inch Allah.
Lorsque vous étiez Gouverneur à l’époque vous faisiez des dons de fournitures scolaires aux élèves comoriens sans distinction aucune. Mais dès votre départ à ce poste, ces dons ont été stoppés, pour quelle raison ?
Oui, c’est vrai, lorsque j’étais Gouverneur j’avais initié une démarche qui consistait à aider les enfants du primaire. Et J’avais un budget qui était le budget du gouvernorat que je prenais en charge tous les étudiants de l’école primaire du CP1 jusqu’au CM2, ils avaient des fournitures scolaires gratuites, ils avaient aussi la mutuelle de santé qui était aussi prise en charge par le gouvernorat. Après que j’ai quitté le gouvernorat, ceux qui m’ont succédé ont pensé que c’est mon projet, donc ma poche, ils ont saboté ce projet malheureusement. Car, en Afrique généralement, on n’aime pas suivre le bien des autres ; certains veulent toujours saboter les projets qu’ils ont trouvé ou inventé d’autres qui ne marchent pas. Mais j’espère que dans un proche avenir ces choses-là reviendront au pays parce que chacun s’inspire de ce qu’on a fait pendant trois (3) ans.
Vous dites que vous défendez le peuple comorien, qu’est-ce que vous demandez à ce peuple ?
Qu’il ait le courage, qu’il comprenne que la communauté internationale ne viendra ici que pour leurs intérêts mais pas pour l’intérêt du peuple comorien. Et pour leurs intérêts, ils l’auront avec n’importe qui qui sera au pouvoir. Donc, c’est au peuple comorien, comme les autres peuples que je salue de passage. Je vais parler du Burkina Faso, le Mali. Où, les peuples ont dit c’est nous qui prenons les choses en mains.
Vous parlez des coups d’Etas ?
Pas des coups d’états, mais plutôt des soulèvements et la suite ce n’est pas le peuple qui l’a fait. Donc, je voudrais que le peuple se réveille et voir la suite après. En tout cas, moi je ne suis pas d’accord pour les coups d’Etats, car c’est aussi un recul démocratique.
Donc, vous voulez des Présidents élus et qui sont choisis par le peuple et non des militaires au pouvoir ?
Oui exactement, voilà.
Le président de l’Union de Comores Azali Assoumani est aussi président en exercice de l’Union africaine (UA). Quel bilan faites-vous de sa gestion ?
Moi je me demande d’abord les résultats en tout cas pour nous comoriens. Nous il n’y a rien à tirer parce qu’étant Président de l’Union africaine, mais qu’est qu’il apporte au pays ? Peut-être plus de misère parce qu’aujourd’hui vous savez que les comoriens avec leur souffrance, on leur demande 7 milliards de francs comoriens pour financer les missions d’Azali dans l’Union africaine. C’est à peu près 14 à15 millions d’euros. Un montant qui n’était pas prévu dans le budget national. Et pendant ce temps, il y’a des fonctionnaires qui passent deux à trois mois sans être payés, voilà le poste de l’Union africaine aux Comores. Il faudrait utiliser cet argent pour servir Azali dans ses voyages à l’Union africaine. Les populations comoriennes ne savent même pas qu’Azali est le président de l’Union africaine, car il n’y a pas de résultats tangibles depuis qu’il est à la tête de cette union africaine. Il voulait être président de l’UA, pourquoi ? pour quel intérêt de notre pays ? c’est pour son intérêt personnel, parce qu’il voulait à ce qu’on parle de lui partout à travers le monde.
Peut être attirer les investisseurs vers les îles Comores ?
Quels investisseurs ? ça fait presque dix (10) mois depuis qu’il est à la tête de l’UA et n’avons vu personne et nous sommes dans le noir et en manque d’eau potable. Et je pense que 2024 est la ligne rouge qu’Azali ne peut pas traverser et d’ici là, le peuple prendra ses responsabilités pour se débarrasser de lui.
Allez vous faire des alliances politiques au compte de ces élections futures ?
Ici, il y’aura des candidats régionalistes, chaque région souhaiterait que son candidat soit élu. Et en cas de deuxième tour, tout se jouera là-bas, mais s’il y’a une transparence, le président Azali ne pourra même pas être au second tour. J’en suis sûr que toutes les forces de l’opposition dispersées, sont du même coté et du même esprit, c’est de tout faire pour balancer Azali. Et en cas d’un second tour, celui qui sera positionné sera soutenu par tous les candidats de l’opposition.
Votre mot de la fin ?
D’abord vous remercier pour votre déplacement et ensuite inviter encore une fois de plus le peuple comorien à se réveiller surtout les jeunes. Il est temps de mettre fin à ces déplacements d’Azali qui coute à l’état comorien des centaines de millions de francs.
Merci beaucoup monsieur le président
C’est à moi de vous remercier.
Propos recueillis à Moroni par Oumar M’Böh et décryptés par Alpha Moussa pour www.lavoixdupeuple.info