Dans un entretien accordé à nos confrères de VisionGuinee et d’Africaguinee.com, le Directeur Général de l’Office Guinéen de Publicité, M. Aladji Cellou Camara, détaille les mesures choc mises en place pour redresser l’OGP, tout en appelant à une gestion rigoureuse et transparente pour éviter les dérives du passé. Un plan de relance ambitieux, soutenu par les plus hautes autorités du pays, vise à redonner à l’OGP son rôle de régulateur du secteur publicitaire et de contributeur aux recettes de l’État.
Vous venez de participer à la première session du Conseil d’Administration consacrée au budget 2025 de l’OGP, quels enseignements en tirez-vous ?
Aladji Cellou : C’est une satisfaction pour nous que ce budget, réaliste, de 62 milliards ait été validé, donc approuvé par le CA. Nous en avons besoin pour commencer à dérouler nos activités, même si, je dois le préciser, nous n’avons pas attendu cette session pour nous mettre au travail. En un mois, nous avons accompli, sans rentrer dans l’autosatisfaction, quelques progrès notables, au regard de la situation catastrophique que nous avons malheureusement héritée.
Au cours des dernières semaines, nous avons élaboré et fait adopter par le Conseil d’Administration un plan Stratégique de relance ainsi qu’un Plan d’action opérationnel à la hauteur des défis qui nous attendent. C’est dans ce sens que nous avons également élaboré un nouvel Organigramme, lui-aussi adopté par le CA, incluant la création d’une nouvelle direction au sein de l’Office, chargée de l’Innovation et sur laquelle nous fondons de grands espoirs dans la modernisation de l’entreprise et la diversification de ses sources de revenus. C’est une nécessité pour l’OPG d’épouser son temps et de migrer vers la digitalisation de ses services.
Aujourd’hui, l’OGP a besoin d’une thérapie choc pour se relancer et nous y travaillons nuit et jour, comme nous l’avions promis à notre prise de fonction. C’est dans ce cadre que nous avons lancé un avis d’appels d’offre pour le recrutement d’un Cabinet d’audit dont les travaux, in fine, nous permettront sûrement de voir plus clair dans le passif que nous gérons en ce moment et de corriger la trajectoire.
Quels sont ces principaux défis et vos priorités à court terme ?
Nous avons hérité d’une entreprise en état de faillite totale, désorganisée, surendettée, avec un effectif pléthorique démotivé. Nous menons donc un combat sur plusieurs fronts. Quand j’ai pris fonction, je n’ai trouvé que 146 000 francs guinéens dans les caisses de l’OGP avec six mois d’arriérés de salaires d’un montant global de 8 milliards de nos francs. A ces arriérés viennent se greffer des dettes fiscales de 42 milliards de francs, des dettes sociales de plus de 3 milliards ainsi que près de 35 milliards de diverses dettes fournisseurs ou de partenaires, y compris, suprême sacrilège, 13 milliards vis-à-vis des régies qui sont, normalement, les pourvoyeuses par excellence des recettes de l’OGP. Une pyramide complètement renversée. Cette situation financière extrêmement difficile fragilise ainsi chaque jour d’avantage l’entreprise.
Grâce à l’intervention des autorités au plus haut niveau, nous avons résolu en tout premier lieu le problème lié à l’effectif pléthorique de l’entreprise, conséquence d’un recrutement sans adéquation avec les besoins réels de l’OGP. Puis, nous avons renoué le contact avec la Direction générale des Impôts, qui nous a, à travers sa Directrice Générale par intérim, prêté une oreille très attentive pour nous aider à débloquer un certain nombre de situations, nous permettant de renflouer les caisses de l’entreprise et ainsi, faire face à nos obligations financières. C’est le résultat de tout ce travail, à l’actif de toute la Direction, qui nous a permis en six semaines, fin janvier 2025, de payer deux mois de salaires aux travailleurs pour leur permettre de respirer, de retrouver la motivation et de contribuer à la relance de l’OGP.
Le paiement des salaires et des dettes salariales accumulées au cours des derniers mois fait donc partie de nos priorités. Évidemment, tout en serrant la ceinture, nous ne devons pas perdre de vue que nous avons l’obligation d’offrir aux travailleurs de l’OGP des conditions de travail décentes permettant un meilleur rendement.
C’est le lieu de remercier très sincèrement le Chef de l’État, le Général Mamadi Doumbouya ainsi que son Premier Ministre, qui nous apportent tout leur soutien afin de faire briller l’Office Guinéen de Publicité.
Mais comment parler de relance avec un tel passif, de telles dettes ? N’êtes-vous pas naïvement optimiste ?
C’est vrai que les dettes de l’entreprise dépassent largement le budget 2025 qui vient d’être adopté par le Conseil d’Administration, mais cela ne nous effraie pas et ne nous freine point dans notre volonté d’apporter des changements rapides et positifs à l’OGP. Nous comptons d’abord sur nos propres capacités à mobiliser des recettes au cours de l’année, mais aussi avec l’apport, espérons-nous, de l’État, actionnaire majoritaire, j’allais dire unique de l’OGP, pour faire face aux très nombreuses dettes qui nous étranglent. Par rapport aux dettes fiscales, nous avons entamé, comme je le disais au début de cet entretien, des démarches auprès des Impôts pour, à défaut d’obtenir un gel complet, décrocher au moins un moratoire de quelques mois, le temps pour nous de sortir la tête de l’eau. La même démarche sera faite incessamment vers la Caisse Nationale de Sécurité Sociale, à laquelle l’OGP doit plus de 3 milliards et ainsi de suite… D’autres mécanismes existent, notamment au niveau du ministère du Budget et du ministère des Finances. Nous allons les activer grâce à l’implication des hautes autorités du pays. Nous explorerons toutes les pistes qui peuvent concourir à relever ces différents défis et mériter de la confiance placée en notre modeste personne. Ce qui fait que mes journées sont actuellement très longues et les nuits trop courtes. C’est le prix à payer face à une telle situation. Je préfère être optimiste, car je n’ai pas été nommé pour me lamenter mais pour redresser l’entreprise.
Pouvez-vous justement nous parler du rôle et des missions principales de l’Office guinéen de publicité ?
La réponse à cette question est essentielle si nous voulons apporter les changements nécessaires au renouveau de l’OGP, car la mission principale de l’entreprise est méconnue. En effet, l’OGP ne fait pas de publicité, il régule le secteur de la publicité et dans ses prérogatives, prélève des redevances publicitaires auprès des régies et des annonceurs pour renflouer les caisses de l’État.
En un mot, l’OGP ne peut et ne doit être juge et partie. Nous n’avons pas, par exemple, de panneaux publicitaires ni à Conakry, ni ailleurs dans nos autres villes et campagnes. Nous ne sommes pas une régie publicitaire, nous délivrons des licences aux régies moyennant paiement d’un montant préétabli. Nous n’avons aucune imprimerie à disposition, parce que nous ne pouvons pas concurrencer les imprimeurs.
Par contre, il est essentiel que l’OGP accomplisse sa part, aussi minime soit-elle, dans la mobilisation des recettes de l’État, apporter si nécessaire un appui institutionnel à certaines actions phares de nos différentes institutions, car l’État ne peut créer une telle entité dans le seul but de payer des salaires. Ce serait du gaspillage d’argent public et totalement contreproductif. Il faut inverser la tendance en ayant une saine santé financière. Bien évidemment, pour y arriver, l’entreprise doit pouvoir rester dans son rôle défini par la loi et ses statuts, ce qui n’a pas souvent été le cas par le passé. Notre réussite à nous dépendra ainsi de notre capacité à faire la part des choses et d’éviter certaines confusions de rôle. Nous en sommes conscients.
Lors de votre prise de fonction, vous avez promis que ‘’les ressources produites par l’OGP, grâce à l’implication de tous, iront rigoureusement là où il faut ». Un discours de rupture dirait-on. Mais comment comptez-vous y arriver concrètement ?
C’est la question centrale. Avec une réponse simple : une gestion rigoureuse ! Pour ce faire, pas trois mille solutions : on doit absolument sécuriser les recettes de l’entreprise. Ne jamais confondre les caisses de l’entreprise, donc de l’État, à ses propres poches. Il faut savoir résister, sans se compromettre, en étant souvent équilibriste, à certaines pratiques malheureusement courantes dans la gestion des deniers publics en Guinée. Les tentations sont fortes, les sollicitations diverses et variées. Ce n’est pas simple, je l’avoue. Il faut constamment avoir à l’esprit qu’il ne s’agit pas là d’un héritage familial. Je sais que c’est plus facile à dire qu’à faire, mais il le faut, lorsqu’on veut, après avoir accompli sa part de mission, somme toute limitée dans le temps, sortir par la grande porte, celle de l’honneur. Bien que l’OGP soit une entreprise très complexe, je ferai en sorte de respecter cet engagement pris devant tous ! Rendez-vous à la fin de ma mission.
Pourtant, certains n’hésitent pas à qualifier les entreprises publiques de vaches laitières de l’État où règnent corruption et détournements de tous ordres. Comment en est-on arrivé à cette situation et comment s’en sortir ?
Je comprends ce que votre question très sensible… ne dit pas. Je ne suis ni juge ni procureur. Je ne peux jeter l’anathème sur qui que ce soit. Je ne suis pas là pour ça. Je constate simplement, comme tout le monde, que les manquements constatés et avérés sont sanctionnés au plus haut niveau, indépendamment du statut de leurs auteurs. C’est un bon début dans la lutte contre la dilapidation des deniers publics.
Quels sont vos rapports avec le CA de l’OGP ?
J’ai les meilleurs rapports possibles avec le Conseil d’Administration. Nous avons la chance d’avoir le Conseiller Personnel du Chef de l’État comme PCA. Je le consulte régulièrement avant de prendre toute décision importante qui engage le présent et donc l’avenir de l’entreprise. Nous avons d’autres hauts cadres très bien placés au sein de l’administration guinéenne et qui sont membres du CA de l’OGP. Chacun, dans son domaine de compétence, peut apporter sa pierre à la construction de l’édifice commun. Pour ma part, je prône une gestion transparente et collégiale de l’OGP, en impliquant tous ceux qui peuvent apporter leur expertise à la relance de l’entreprise.
J’ai les mêmes rapports d’indépendance certes, mais surtout de subordination, le mot n’est pas fort, de respect, de considération vis-à-vis des tutelles directes de l’OGP, à savoir le ministre de l’Information et de la Communication et le ministre des Finances. Je veux que nous réussissions ensemble. Je sais que chacun est conscient de la situation dans laquelle se trouve l’entreprise et tous ont la volonté d’apporter leur contribution au renouveau de l’OGP. C’est un gage de réussite collective.
Source visionguinee.info