Les Ministères de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Aménagement du Territoire et de l’Agriculture et de l’Elevage en collaboration de leurs partenaires technique et financier, procédé ce lundi 14 novembre 2022, au lancement officiel des Etats Généraux du Foncier ‘’EGF’’. L’évènement est organisé au Palais du Peuple à Conakry et durera quatre (4) jours allant du 14 au 17 novembre inclusivement, avec 300 participants venus de Conakry, de l’intérieur du pays mais aussi de l’extérieur. Cette initiative s’inscrit dans le cadre d’une gestion foncière responsable. L’objectif est selon les organisateurs : « d’identifier et diagnostiquer les principales problématiques de la gouvernance foncière en République de Guinée ; d’identifier et prioriser de façon consensuelle les enjeux et défis majeurs de la gouvernance foncière ; préconiser des mesures visant une meilleure cohérence des mécanismes de règlement des conflits fonciers ; partager les informations, des bonnes pratiques et des expériences sur les politiques foncières en Afrique et ailleurs etc. ».
Dans son discours d’ouverture, le ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Aménagement du Territoire, le colonel Ibrahima Sory Bangoura s’est réjoui de présider cette cérémonie qui était attendue depuis plusieurs années : « c’est pour moi un réel plaisir de me retrouver parmi vous ce matin, à l’occasion du lancement d’un évènement très longtemps attendu, qui concerne l’ensemble des couches sociales de notre pays. La tenue des Etats Généraux du Foncier. En effet, une bonne maîtrise de la problématique foncière permet au gouvernement de mieux organiser les Etablissements humains et créer ainsi de meilleures conditions pour un développement harmonieux des activités socio-économiques telles que la promotion immobilière, l’agriculture, les mines, l’élevage et l’artisanat » a-t-il entamé.
Pour lui, « en Guinée, malgré une amélioration appréciable du cadre légal du secteur de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Aménagement du Territoire avec la promulgation en 1992 du Code et Domanial qui reconnaît à l’Etat et aux personnes physiques et morales le droit de propriété, en 1998 du Code de l’Urbanisme, en 2015 du Code de la Construction et de l’Habitation et en 2017 du Code révisé des collectivités locales, on assiste à une gestion mitigée du foncier. Le bilan des 30 années de mise en œuvre du Code Foncier et Domanial démontre que de nombreux défis restent encore à relever en vue d’asseoir une véritable gouvernance responsable et durable des ressources foncières. Les autorités et les structures en charge de la mise en œuvre du Code Foncier et Domanial, ne parviennent pas à empêcher l’occupation anarchique et la vente illicite des terres publiques. C’est ainsi que les ventes des domaines de l’Etat, et des terres agricoles et pastorales par des spéculateurs fonciers sont de plus en plus importants. Les problèmes fonciers et d’aménagement concernent aussi bien les zones urbaines que rurales, la frontière entre les deux n’étant pas véritablement marquée dans la plupart des régions. Dans les zones rurales où les droits traditionnels restent très ancrés, les problèmes fonciers opposent assez souvent agriculteurs, éleveurs, exploitants artisanaux et ruraux ; également la confrontation entre les populations rurales et les grandes sociétés d’exploitation agricole et minière, la dégradation de l’environnement, l’utilisation des terres agricoles par d’autres activités etc. Face à une telle situation et pour corriger cette tendance, le ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Aménagement du Territoire, en rapport avec le ministère de l’Agriculture et de l’Elevage, avec l’appui des partenaires techniques et financiers initié, la tenue des présentes assisses, dont le but ultime est de parvenir à une réforme foncière garantissant la sécurité foncière, la préservation des domaines de l’Etat, la promotion des investissements publics et privés en milieu rural et urbain ainsi que le développement des activités de production économique dans un climat social apaisé » a justifié le colonel Ibrahima Sory Bangoura.
Par ailleurs, le ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Aménagement du Territoire a rappelé le crédit que le gouvernement guinéen porte à ces états généraux du foncier ‘’EGF’’. Il dit que : « le Président de la Transition, Chef de l’Etat Colonel Mamadi Doumbouya et le Gouvernement sous la direction de Monsieur le Premier Ministre, accordent du crédit aux présentes rencontres et à l’application des recommandations qui en découleront. C’est pourquoi, nous savons compter sur l’esprit critique qui animera les quatre jours de travaux et nous saluons l’inclusivité qui caractérise ces Etats Généraux du Foncier. Nous saisissons à cette heureuse occasion, pour remercier tous ceux et toutes celles qui ont accepté de consacrer une partie de leur temps pour venir analyser la problématique du foncier dans notre Pays et proposer des solutions. Nos remerciements s’adressent à tous nos partenaires et vous me permettrez de citer la FAO, la CEA et toutes les institutions et sociétés qui ont bien voulu nous accompagner pour l’organisation de cet évènement. Je reste convaincu que l’esprit d’analyse et le consensus caractériserons les travaux durant ces quatre journées » a-t-il souhaité.
Pour sa part, monsieur Macki Bah le représentant de la plateforme multi-acteurs a montré tout son plaisir de participer à cette cérémonie d’ouverture et a évoqué l’importance de ces Etats Généraux du Foncier : « c’est pour moi un grand plaisir de prendre la parole au nom des organisations de la société civile et des organisations paysannes pour ce discours à l’occasion de cette cérémonie qui revêt une importance capitale dans la mesure où la Guinée, à l’instar de la plupart des pays de la région de l’Afrique de l’Ouest, est confrontée à d’importants défis dans le cadre de la gouvernance foncière. Aujourd’hui, l’insécurité alimentaire et les problèmes d’accès au foncier constituent des obstacles majeurs au développement de nos pays. Face à ces obstacles porteurs de menaces pour la quiétude de nos populations, une approche d’ensemble s’impose en vue d’améliorer la gouvernance foncière en Guinée. C’est dans cette perspective, que le gouvernement guinéen et les partenaires techniques et financiers œuvrent fondamentalement à la promotion d’approches et outils adaptés pour une meilleure gouvernance des ressources foncières. Les états généraux nous offrent l’opportunité de partager les expériences et bonnes pratiques de gestion foncière locale, de s’appuyer sur les principes promus dans les Directives Volontaires, ainsi que de formuler des recommandations pertinentes en vue de la mise en place d’un système de gouvernance foncière par la coexistence du droit moderne et des pratiques coutumières et les perspectives relatives au processus de réforme foncière engagé par notre gouvernement ont la possibilité aujourd’hui de s’appuyer sur les mécanismes les plus pertinents issus de ces deux registres de normes pour aller vers une gouvernance responsable du foncier. Au cours des dernières années, les investisseurs de divers horizons ont porté une attention particulière aux terres de la Guinée. Superposé aux effets des changements climatiques et à la dégradation des espaces ligneux, ainsi qu’à la réduction des superficies agricoles due à l’érosion des terres, cet intérêt croissant contribue à accentuer la pression sur les terres et les autres ressources naturelles dans le pays. Les populations expriment de fortes inquiétudes face à la tendance actuelle de privatisation du patrimoine foncier national et aux dynamiques d’urbanisation qui s’accélèrent. Elles attendent des améliorations des conditions de reconnaissance de leurs droits à travers des procédures de sécurisation foncière fiables et accessibles. Elles souhaitent que cessent les détournements d’usage des terres, les pratiques illégales de taxation, de cession d’un même domaine à plusieurs personnes, et les expropriations dans des conditions qui ne leur permettent pas d’assurer la poursuite de leurs moyens d’existence. En fin, elles ont peur pour l’avenir de leurs enfants face à la prolifération de conflits de différentes natures qui menacent la cohésion sociale » a-t-il dénoncé.
Tout de même il a réaffirmé l’engagement des organisations de la société civile, à accompagner le gouvernement pour la réussite des état généraux du foncier. « Je tiens à réaffirmer l’engagement des organisations de la société civile et des organisations paysannes et de la disponibilité de tous ses démembrements à travers la plateforme nationale multi acteurs pour consolider cette dynamique de collaboration au niveau local et national autour du Ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Aménagement du Territoire. En fin, nous, organisations de la société et organisations paysannes, formulons à travers un mémorandum consigné dans un document de plaidoyer auprès du gouvernement deux (2) recommandations majeures à l’endroit de l’ensemble des acteurs à savoir : l’adoption d’une loi foncière agricole bâtie autour d’une politique foncière agricole, cohérente et inclusive, au regard de toutes les insuffisances du code foncier et domanial sur les spécificités agrosylvopastorales en matière foncière d’une part, puis l’adoption d’une version réactualisée du code foncier et domanial d’autre part qui tient compte des innovations capitalisées et systématisées de l’accès sécurisé à la terre des groupes vulnérables (femmes, jeunes, migrants, personnes avec handicap etc.) et le consigner dans l’ensemble des futurs textes qui vont régir le foncier en Guinée, en tenant compte des pratiques coutumières et des usages locaux favorables à l’équité » a-t-il recommandé.
Quant à Dr Gbehoumou Gualbert, représentant résident de la FAO en Guinée a d’abord remercié Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement et les Ministres de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Aménagement du Territoire, de l’agriculture et de l’Elevage et de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation pour la tenue des Etats Généraux du Foncier et le travail préparatoire bien réussi qui selon lui a permis cette rencontre. Il a aussi abordé le contexte mondial par la pression sur les ressources humaines en disant que : « le contexte mondial marqué par de nombreuses pressions sur les ressources naturelles est un défi qui s’identifie à un rythme exponentiel. C’est pourquoi, il est d’une importance capitale la gouvernance foncière dont dépend la façon dont nous utilisons et mettons en valeur les ressources naturelles les plus précieuses, la terre, les forêts et les eaux qui déterminent notre existence collective. La gouvernance foncière est à l’interface de la gestion des ressources et conditionne la capacité à promouvoir un développement économique qui assure des conditions de vie décentes pour toutes les communautés. Elle repose sur des mécanismes et des processus qui permettent d’articuler les intérêts des citoyens, de tenir compte de leurs différences et de veiller à l’exercice de leurs droits et de leurs devoirs à l’égard des ressources naturelles, en toute équité. Les questions foncières font partie des activités prioritaires de la FAO dans sa contribution à la lutte contre la faim et la pauvreté dans le monde. Vous le savez, la FAO fait la promotion de l’agriculture durable sur les trois piliers de durabilité que sont : le pilier environnemental qui consiste à produire sans dégrader l’environnement, le pilier économique qui fait de l’agriculture un secteur qui crée de la richesse, qui enrichit et le pilier social qui fait de l’agriculture un secteur qui crée des emplois » a-t-il expliqué.
La cérémonie d’ouverture des travaux des États généraux du Foncier a été présidé par le Premier ministre chef du gouvernement Dr Bernard Goumou. Le chef du palais de la Colomb soutient que la faiblesse des États en Afrique dans ce secteur est à l’origine des nombreuses crises et de conflits entre les communautés : « Dans notre pays la Guinée près de 70% des conflits devant nos cours et tribunaux sont consacrés aux litiges fonciers, par ce que notre registre de litige foncier est en panne, moins de 25 % des parcelles et des domaines fonciers ont des titres, la situation est d’autant plus critique que la pression sur le foncier urbain, le foncier rural, maritime et le domaine public s’accentue avec la croissance démographique, l’expansion et l’urbanisation des surfaces cultivables et des exploitations minières » a-t-il regretté.
A noter que la cérémonie a connu la présence des participants issus de toutes les couches sociales de la nation, d’experts nationaux et internationaux spécialistes des questions foncières, des représentants des services techniques des différents départements ministériels, des partenaires techniques et financier (PTF) du monde universitaire, de la société civile, des ordres professionnels, des organisations paysannes, des leaders communautaires, du secteur privé, des acteurs ruraux, notables, coutumiers , chercheurs, universitaires, partenaires techniques et financiers, expertise nationale, sous régionale et internationale, jeunes, femmes et personnes vulnérables.
Oumar M’Böh