Des acteurs de la société civile, se sont réunis pendant deux jours à Conakry en marge d’un atelier de renforcement des capacités sur le : « processus de la réforme foncière en Guinée ». Objectif, échanger sur les problématiques du foncier en République de Guinée. Ils ont clôturé cette rencontre par un point de presse, à l’issu duquel des recommandations phares ont été adressées aux autorités de la transition pour une sécurisation foncière domaniale pour les producteurs agricoles du pays. C’est une initiative de l’ONG ACORD-Guinée (Association de Coopération et de Recherche pour le Développement).
Le directeur de cette organisation, Macky Bah explique les raisons de leur démarche : « C’est dans le cadre de la mise à niveau des différents acteurs que de la société civile et des organisations paysannes de Guinée sur les réformes foncières qui sont engagées depuis 2018 en République de Guinée. Avec, les ministères de l’Agriculture, celui de la ville et de l’aménagement du territoire, nous sommes parvenus à engager plusieurs réflexions autour du code foncier domanial qui est entrain d’être utilisé depuis une vingtaine d’années. Des réflexions qui nous ont permis d’identifier un certain nombre de défis qui pour nous constituent des éléments fondamentaux pour aller aux états généraux pour le foncier. Car, nous avons eu des concertations au niveau des régions, au niveau national, nous avons eu des réunions au niveau de la plateforme nationale multi acteur sur le foncier » a-t-il indiqué.
Cette rencontre a connu non seulement la participation des acteurs venus des 4 régions de la Guinée, mais aussi du secrétaire chargé des questions foncières de la coordination nationale des organisations paysannes du Mali, en l’occurrence Ousmane Barke Diallo. Il a justifié les raisons de sa venue en Guinée auprès de ses frères Guinéens : « Je suis venu apporter l’expérience du Mali dans le processus d’élaboration des textes législatifs et règlementaires à mes frères guinéens en matière du foncier agricole. Parce que nous nous sommes en avance pour avoir commencé il y’a de cela 23 ans et nous disposons des textes bien élaborés » a-t-il déclaré.
Les participants ont longuement échangé sur les problématiques qui assaillent le secteur agricole guinéen et les défis à relever. Pour inverser cette tendance, ils ont proposé des recommandations aux nouvelles autorités du pays. Parmi lesquelles figurent entre autres, l’organisation des États Généraux du Foncier en Guinée, l’adoption du référentiel national sur la compensation, l’indemnisation et la réinstallation des populations impactées par les projets de développement. Des recommandations, si elles sont prises en compte, de nombreux conflits pourraient être évités dans le domaine foncier en Guinée.
Auparavant, lors de sa présentation le contenu de la déclaration finale de cette rencontre, le point focal de la confédération nationale des organisations paysannes de guinée (CNOPG), Madame Aïssata Yattara est revenu sur le contexte qui selon elle reste marqué par de nombreux défis, notamment : « Une faible reconnaissance des droits fonciers légitimes ; un faible accès des femmes au droit de propriété foncière en milieu rural ; un cadre institutionnel problématique ; des mécanismes de résolution des litiges inadaptés ; des outils de sécurisation inadaptés aux besoins réels des citoyens ; des velléités d’accaparement massif des terres notamment agricoles ; une pression constante sur les terres, notamment agricoles, et une insécurité foncière croissante » avait-elle énuméré.
C’est pourquoi, elle dira que des actions urgentes sont nécessaires pour rectifier le tir. Et que les organisations paysannes plaident pour : « la pleine reconnaissance des droits fonciers légitimes des populations à travers l’élaboration d’une politique foncière cohérente en adéquation avec les réalités locales ; la Préservation les droits fonciers légitimes face aux grands investissements pour protéger l’agriculture familiale poumon de l’économie rurale ; la Promotion des droits fonciers des groupes vulnérables y compris les femmes conformément au droit national et au droit international qui garantissent et protègent les droits des femmes ; la Décentralisation de l’administration foncière en mettant en place de structures de gestion du foncier adaptées aux réalités locales ; une norme nationale de compensation, d’indemnisation et de réinstallation juste, préservant les droits légitimes des communautés impactées ; le respect de l’obligation de la consultation des parties prenantes et de l’obtention de leur consentement libre, préalable et éclairé conformément au droit guinéen, au droit international et aux bonnes pratiques internationales » a-t-elle conclu.
Ci-dessous l’intégralité de la déclaration:
DÉCLARATION DES ORGANISATIONS PAYSANNES DE GUINÉE (OPG)
La question des terres en Afrique, notamment en Afrique Subsaharienne est au croisement d’un certain nombre d’enjeux essentiels de nos jours, et pourraient être plus préoccupantes les prochaines décennies du continent.
Nombreux pays sont marqués par une compétition exacerbée : entre grands propriétaires et propriétaires de micro parcelles, les paysans sans terre, entre allogènes et autochtones, entre sociétés qui acquièrent des terres pour des projets miniers, agricoles, énergétiques et les paysans locaux.
Le cadre légal de la gouvernance foncière en République de Guinée a connu d’importantes réformes à partir des années 1990 avec l’avènement du système politique libéral. La mise en place du code foncier et domanial de 1992 et du code de l’urbanisme de 1998 avait pour but de garantir la sécurisation de l’accès à la propriété, la mise en place d’un processus clair de planification urbaine, l’encouragement et l’encadrement des investissements etc.
Le contexte reste tout de même marqué par de nombreux défis, notamment :
- Une faible reconnaissance des droits fonciers légitimes¹ ;
- Un faible accès des femmes au droit de propriété foncière en milieu rural ;
- Un cadre institutionnel problématique ;
- Des mécanismes de résolution des litiges inadaptés ;
- Des outils de sécurisation inadaptés aux besoins réels des citoyens ;
- Des velléités d’accaparement massif des terres notamment agricoles ;
- Une pression constante sur les terres, notamment agricoles, et une insécurité foncière croissante.
Il résulte de cet état de fait des mauvaises pratiques foncières sur le terrain depuis des décennies dans le cadre des acquisitions et de la gestion de terres causant ainsi une multiplication de conflits fonciers en témoignent les dossiers inscrits aux rôles des tribunaux du pays. Des actions urgentes sont nécessaires pour rectifier le tir.
Les organisations paysannes plaident pour :
ü La pleine reconnaissance des droits fonciers légitimes des populations à travers l’élaboration d’une politique foncière cohérente en adéquation avec les réalités locales ;
ü La Préservation les droits fonciers légitimes face aux grands investissements pour protéger l’agriculture familiale poumon de l’économie rurale ;
ü La Promotion des droits fonciers des groupes vulnérables y compris les femmes conformément au droit national et au droit international qui garantissent et protègent les droits des femmes ;
ü La Décentralisation de l’administration foncière en mettant en place de structures de gestion du foncier adaptées aux réalités locales ;
ü Une norme nationale de compensation, d’indemnisation et de réinstallation juste, préservant les droits légitimes des communautés impactées ;
ü Le respect de l’obligation de la consultation des parties prenantes et de l’obtention de leur consentement libre, préalable et éclairé conformément au droit guinéen2, au droit international et aux bonnes pratiques internationales.
Recommandations
Eu égard aux défis identifiés nous estimons urgent et nécessaire d’organiser des États Généraux du Foncier (EGF), étape qui permettra de décliner des priorités en matière de gouvernance des ressources foncières.
Ensuite, Adopter le référentiel national sur la compensation, l’indemnisation et la réinstallation des populations impactées par les projets de développement ;
En, conférer au processus de réformes un caractère inclusif et participatif.
Conakry le 05 juillet 2022
Les Organisations paysannes de Guinée
Oumar M’Böh