Les responsables du Centre International Community Leadership Institute West Africa (CLIWA), ont présenté ce jeudi 11 novembre 2021, leur premier rapport de sondage de 1 000 Guinéens sur la transition politique en Guinée. C’était à l’occasion d’une conférence de presse tenue à la Maison de la Presse sise à Kipé dans la commune de Ratoma à Conakry. Ce document de vingt huit (28) pages est intitulé « Transition politique en Guinée : Qu’en pensent les guinéens ? »
C’est le Directeur Exécutif de CLIWA, Thierno Amadou Ciré Diallo, qui a fait la présentation devant les journalistes leur sondage réalisé en face à face et en ligne du 18 au 24 octobre 2021 après le coup d’État opéré par le groupement des forces spéciales moins d’un an après une élection ‘’controversée’’ de l’ancien Président, Alpha Condé pour un 3ème mandat qui avait conduit le pays dans une impasse politique. Il a été réalisé dans le Grand Conakry à Mamou, à N’Zérekoré, Kindia, Kankan, Faranah, Boké, et Labé.
Selon Thierno Amadou Ciré Diallo : « 7 semaines après cet événement, le centre de formation Cliwa et des enseignants-chercheurs de l’université de Sonfonia de Conakry ont cherché à comprendre l’avis de la population sur cette transition à travers une enquête d’opinion. Pour mener à bien cette recherche, nous avons choisi la méthodologie aléatoire qui a été caractérisée par un échantillonnage. C’est ainsi que nous avons pris un échantillon de 1 000 personnes représentatif de la population guinéenne âgée de 18 ans et plus que nous avons interrogé » a-t-il souligné.
Devant les hommes de médias et des invités, le conférencier a détaillé en long et en large les composantes de leur étude réalisée sous fonds propres de CLIWA. Il a cité entre autres : les principaux enseignements de l’étude, la perception des guinéens sondés des acteurs publics en passant par leur perception du régime précédent, de la participation des acteurs publics aux institutions de la transition, de leur de leur perception du coup d’État du 5 septembre dernier.
Il a également donné les différentes statistiques de cette étude : « 31,5% sondés ne se reconnaissent dans aucun des partis politiques en Guinée ; 62,1% d’opinions défavorables ; 91% des Guinéens sondés opposés à une participation d’Alpha Condé aux prochaines élections présidentielles ; 31,8 % des Guinéens sont favorables à une assignation de l’ancien président Alpha Condé à une résidence surveillée ; 51,6% des Guinéens approuvent des forces de défenses et de sécurité ; 54,5% désapprouvent les acteurs politiques ; 55,8% approuvent la société civile ; 49,9% désapprouvent l’implication des coordinations régionales dans les politiques ; 81% des Guinéens approuvent les médias privés ; 57,3% désapprouvent le service public ; 33,9% des Guinéens approuvent la participation des militaires ; 29% approuvent la participation des partis politiques à la transition ; 38,2% approuvent la participation des religieux à la transition ; 49,8% des Guinéens désapprouvent la participation des coordinations à la transition ; 58,2% approuvent la participation de la Diaspora à la transition ; 50% privilégient la compétence à l’âge ou à l’expérience ; 54,1% des Guinéens approuvent le coup d’État ; 81,1% des Guinéens approuvent les premiers actes du CNRD ; 64,7% sont pour une transition de 6 mois à 2 ans et enfin 72,5% sont favorables à ce que le CNRD organise les élections et partir » a-t-il résumé.
De son côté, Amadou Saikou Barry consultant à CLIWA, spécialiste des questions de relations publiques et de sécurité et défense internationale basée en France, en intervenant depuis l’Hexagone via webinaire a dit que : « le Centre CLIWA au de-là des discours a préféré aller sur le terrain pour faire parler des chiffres en étudiant les opinions des uns et des autres en toute impartialité. C’est pourquoi, c’est notre centre qui a financé cette étude sans l’aide d’aucune institution ou organisation qui pourrait vouloir influencer nos démarches », a-t-il précisé avant de demander aux journalistes de vulgariser cette étude ‘’crédible’’ auprès de l’opinion nationale et internationale.
S’agissant de l’impact de ce premier sondage en cette phase transitoire, voire même au de-là avec toutes les parties prenantes, les initiateurs ont affirmé que le sondage « sera un bréviaire pour les dirigeants actuels du pays, aux partis politiques de se remettre en cause… » Soutiennent-ils.
Lisez ces quelques passages, où les difficultés liées à la réalisation de cette étude ont été enregistrées.
Environ 5 personnes sur 10 ont accepté de se prêter au jeu. Quelquefois, il a fallu déployer beaucoup d’efforts pour rassurer et convaincre les personnes d’accepter de répondre à nos questions. En dépit d’une politisation de la société pourtant très affirmée. Nous avons constaté de fortes réticences à répondre à notre enquête. Plusieurs éléments peuvent expliquer ces réticences. D’abord la peur d’être « dénoncé ». Le trauma dû à la culture politique des dénonciations « les murs ont des oreilles », pratiqué par le premier régime semble encore être très présent, en particulier chez les personnes ayant vécu sous ce régime. Ainsi chez les citoyens de plus de 65 ans, seul 1,4% soit moins de 2 personnes sur 10 ont accepté de répondre à nos questions. De même que chez les 55 – 65 ans et 45-55 ans seuls respectivement 3,4% et 8,1% ont accepté de se prêter au jeu. A l’inverse, plus la population est jeune, moins elle semble avoir peur d’exprimer ses opinions publiquement. Ainsi les 35 – 45 ans s’épanchent plus que leurs ainés (+de 45 ans). Ils sont 23 % à accepter de répondre à nos questions. Les 25 – 35 ans sont ceux qui acceptent le plus de s’exprimer ouvertement sur les sujets politiques. Ils sont 44% à accepter de répondre à l’enquête. Cependant, les jeunes de moins de 25 ans et en âge de voter semble plus éloignés de la politique que leurs ainés directs, ils sont 20,1% à se prêter au jeu. Si on se place au vu du genre c’est encore plus flagrant. De toute évidence les femmes sont plus réticentes à exprimer leur opinion politique publiquement que les hommes. Elles semblent préférer éviter d’exprimer leurs opinions politiques publiquement et ce même quand leur interlocutrice (l’enquêtrice) est du même sexe.
De même l’appartenance ethnique semble avoir un fort impact. Ainsi, notre expérience a démontré que les enquêtés (d’ethnies différentes) que celui de l’enquêteur se montrent très méfiantes. D’une manière générale, nous avons observé lors de cette enquête que sur les sujets en lien avec la politique les guinéens ont plutôt tendances à s’autocensurer ( à ne pas exprimer ouvertement leurs opinions politiques) alors que la liberté d’opinion est pourtant un droit inaliénable garanti par les textes.
L’étude montre en outre que les personnes ayant fait des études supérieurs sont plus disposées à répondre que les personnes ne disposant de diplômes d’études supérieures. 46,5 % des personnes qui ont répondu ont une licence, 24,6 % ont un master et 2,7% un doctorat. A l’inverse 9,7% ont le bac et 4,7% le BEPC. 10,2% des répondants sont non diplômés. Par ailleurs, les employés du privé sont plus à l’aise quand il s’agit d’exprimer publiquement ses opinions politiques que leurs collègues du public. Ils sont 34,8 % dans le privé contre 12,2 % dans le public. Les autres professions (commerçant, artisans, agriculteurs et éleveurs…) secteurs occupés par la majorité des guinéens sont moins enclins à exprimer leur opinion : 8,8% commerce, 5,2% artisanat, 2 % agriculture/élevage. Ce chiffre s’élève à 14% chez les sans activité, tandis que 25,7% disent faire « autre » chose.
Ci-joint le rapport dans son intégralité:
Oumar M’Böh pour lavoixdupeuple
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