Les réseaux sociaux, jadis espaces d’expression et de rassemblement, se transforment en Guinée en véritables arènes de diffamation, d’invectives et de violence verbale. La montée des discours haineux y devient un phénomène alarmant, touchant indistinctement personnalités politiques, artistes, figures religieuses ou leaders traditionnels.
Des figures publiques comme l’ancien ministre Alhousseiny Makanera Kaké, l’ex-sélectionneur du Syli national Kaba Diawara ou encore l’ancien porte-parole du gouvernement Ousmane Gaoual Diallo ont tous été ciblés. Les attaques verbales contre les notables à l’occasion de la désignation du successeur du Kountigui de la Basse Guinée ou encore du président de la coordination régionale du Fouta illustrent la gravité d’un mal enraciné dans les usages numériques actuels.
Cette culture de la violence verbale, souvent alimentée par des militants politiques, des supporters de clubs ou des fans d’artistes, ne s’arrête pas à l’insulte. Elle va jusqu’à la diffamation, le chantage et les atteintes graves à la vie privée. Certains artistes guinéens eux-mêmes se livrent à ce jeu dangereux, exacerbant les tensions dans un pays déjà fragilisé par des fractures sociales.
Malgré l’ampleur du phénomène, l’État peine à instaurer des mécanismes de régulation efficaces ou à responsabiliser les internautes. En l’absence d’un cadre clair et de sanctions concrètes, la réputation de nombreuses figures publiques est détruite en ligne, parfois irrémédiablement.
Pour tenter d’inverser la tendance, des initiatives émergent. Le Parlement des Enfants de Guinée, par exemple, a été formé par des ONG locales pour devenir porte-voix de la lutte contre la haine numérique. Une démarche éducative en phase avec la Journée internationale de lutte contre les discours de haine, désormais célébrée le 18 juin, sous l’égide des Nations Unies.
Mais à l’heure où un simple clic peut salir une réputation, le combat reste immense.
Selon les Nations Unies, plus de 50 % des jeunes dans certains pays d’Afrique subsaharienne déclarent avoir été témoins ou victimes de discours haineux en ligne. Une statistique qui en dit long sur l’urgence d’agir.
Mamadou Saliou Sow